Page:Revue philosophique de la France et de l'étranger, XXX.djvu/169

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
159
g. lechalas. — la géométrie générale

toute science géométrique exigeait des propositions indémontrables, conformes à l’expérience, nous ne disons pas que l’empirisme serait absolument vainqueur ; mais on n’aurait contre lui que la ressource bien précaire des jugements synthétiques a priori. Au contraire, la géométrie générale nous montre que ces postulats peuvent être écartés sans dommage pour une science purement rationnelle : cette science comporte dans ses formules un coefficient indéterminé, dont une valeur spéciale correspond précisément à la géométrie spéciale fondée sur lesdits postulats. Cela étant, on voit que s’il existe, soit un monde extérieur, soit des sensibilités dont la forme répond à une géométrie, il est de toute nécessité que l’expérience nous apprenne quel coefficient y est applicable. Pour reprendre l’exemple des sphères, si l’on suppose avec Helmholtz un être superficiel qui vive sur l’une d’elles et en fasse la géométrie, en adoptant une unité de longueur quelconque, cette géométrie comportera un coefficient pouvant être regardé comme la conséquence de quelque postulat ; si ensuite, s’élevant à une plus haute généralité, notre géomètre à deux dimensions met en évidence ce paramètre et lui attribue une valeur arbitraire, il aura créé une véritable géométrie sphérique générale. Et maintenant viendra-t-on dire que, s’il est obligé de recourir à l’observation pour trouver le paramètre applicable à la sphère qu’il habite, la géométrie a pour cela une base expérimentale ? Évidemment non ; pourquoi donc le dirait-on en présence de la géométrie générale, qui montre simplement que plusieurs espaces à trois dimensions sont rationnellement possibles et qui ne fait intervenir l’expérience que pour reconnaître lequel de ces espaces est en fait réalisé ?

Terminons ce préambule un peu long en rappelant quelques définitions que nous aurons l’occasion d’admettre comme posées :

Un espace à deux dimensions (surface) ou à trois dimensions est dit identique à lui-même dans toutes ses parties, si l’on peut y déplacer sans déformation d’une façon quelconque toute figure qui y est située.

Une géodésique d’une surface identique à elle-même est une ligne située sur elle et telle que, par deux points de la surface, il en passe toujours une et généralement une seule.

Le plan est une surface identique à elle-même et retournable.

La ligne droite est une ligne telle que, par deux points, il en passe toujours une et généralement[1] une seule, dans un espace à trois dimensions. On démontre qu’elle est la géodésique du plan.

  1. Nous ajoutons ici le mot restrictif « généralement », parce que, dans les espaces limités de Riemann, deux droites qui se coupent sur leur limite y ont une deuxième intersection.