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Si l’explication que je viens de proposer, avec de grandes réserves, est reconnue exacte par des personnes compétentes, on peut en tirer une conclusion intéressante pour la psychologie. En effet, on admet communément aujourd’hui que le semblable appelle le semblable, c’est-à-dire que les états de conscience semblables s’attirent et se fusionnent.

L’observation précédente semble restreindre la généralité de cette loi, et montrer qu’il existe une cause de systématisation des états de conscience qui est à la fois plus générale et plus puissante. En effet, tandis que l’image monoculaire nous donne l’impression du relief, par l’appel à nos expériences antérieures, l’addition d’une seconde image semblable détruit cet effet, annihile l’impression du relief, empêche en quelque sorte la première image de produire toutes les conséquences qu’elle renferme. Il y a là, si je ne me trompe, un phénomène d’inhibition tout à fait singulier produit par le semblable sur le semblable. Je ne crois pas qu’on connaisse beaucoup d’autres exemples de ce genre de neutralisation.

Conclusion.

Il me paraît résulter des observations précédentes que, dans un grand nombre de circonstances variées, certaines images et sensations ne peuvent pas coexister avec d’autres dans le même champ de conscience ; malgré tous nos efforts, nous n’arrivons pas à en avoir une perception simultanée, et la présence des unes exclut celle des autres. Antagonisme et exclusion, voilà les deux faits très simples que nous croyons devoir retenir de tout ce qui précède.

Ce processus mental diffère par plusieurs caractères importants de ce que les physiologistes appellent inhibition ; on désigne généralement par ce mot la propriété qu’ont les éléments nerveux d’agir les uns sur les autres, d’une manière probablement réciproque, et de suspendre leur activité fonctionnelle, de sorte que l’excitation d’un élément nerveux, au lieu de produire par exemple un mouvement, produit la suspension d’un mouvement. Un arrêt. Dans les observations de psychologie que nous avons rapportées, il n’y a pas seulement un arrêt ; les deux états antagonistes ne se neutralisent pas réciproquement ; l’un des deux est suspendu, mais l’autre se développe. Néanmoins, le terme d’inhibition mérite d’être employé en psychologie.

Quoi qu’il en soit, on peut résumer, d’après les faits que nous avons réunis, les conditions et les effets de l’inhibition dans Je domaine de la pensée. La suppression d’un état, sensation, idée,