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a. binet. — l’inhibition

toires pour ne pas se fusionner, et pour donner lieu à un antagonisme des champs visuels, on a constaté que les oscillations des images peuvent être arrêtées instantanément par des moyens connus et purement psychiques de fixation de l’attention, et cela sans qu’il se produise aucun changement appréciable dans les circonstances extérieures, telles que la position ou les mouvements des yeux. En effet, il suffit de fixer son attention sur une image qui va disparaître pour la retenir et pour empêcher l’autre image de lui succéder. Certains observateurs parviennent à fixer leur attention sur l’œil droit et ce qu’ils y voient ou sur l’œil gauche, sans le secours d’aucun point de repère, lorsque les deux champs visuels présentent des couleurs uniformes. Mais il est plus facile de fixer son attention sur un quelconque des deux champs en utilisant les contours, les dessins qu’il présente ; tout le temps qu’on s’occupe à examiner, à compter, à mesurer ces dessins, à les longer du regard, le champ visuel auquel ils appartiennent reste visible. L’attention joue ici un rôle primordial, donnant une valeur à des petits détails insignifiants : « Je puis, dit Helmholtz, auquel nous empruntons un grand nombre des observations précédentes, je puis observer d’une manière continue des objets finement et délicatement dessinés dans l’un des champs visuels, même lorsqu’ils coïncident avec des dessins fortement accentués de l’autre champ. C’est ainsi que je puis suivre les fibres et les petites taches d’une feuille de papier blanc, alors même que l’autre champ présente des lignes noires très prononcées. » Ainsi, l’attention peut se fixer sur les sensations les plus faibles, alors même que les sensations les plus fortes de l’autre champ visuel cherchent à la détourner[1]. Mais il arrive nécessairement un moment où notre attention se relâche, et alors le second champ visuel apparaît, émerge, comme dit Sergi, recouvrant à son tour le champ visuel qui le recouvrait jusque-là.

Il n’est pas nécessaire d’insister longtemps pour montrer l’étroite analogie de ces phénomènes optiques avec ceux que nous avons étudiés précédemment ; la suppression d’une image est faite, comme dans les autres cas, par une autre image, et la raison de cette suppression est toujours la même ; elle consiste en ce que les deux images sont contradictoires, et ne peuvent pas faire partie de la même synthèse psychique. La raison de l’antagonisme est donc toute psychologique.

  1. Cette expérience fournirait peut-être un moyen de mesurer la forée de l’attention volontaire, en prenant en considération le temps pendant lequel une des images peut être volontairement maintenue visible.