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dépendance directe de causes psychologiques ; nous montrerons, et avec la plus grande facilité, que ce sont des actions d’arrêt tout à fait comparables à celles que nous venons d’étudier dans la rectification des illusions des sens et dans la négation.

Pour provoquer la concurrence des champs visuels, il faut fournir aux deux yeux des champs de coloration différente, ou des champs contenant des formes contradictoires. Si par exemple on regarde avec l’œil droit une surface rouge et avec l’œil gauche une surface blanche, les deux yeux étant séparés par un écran, il ne se produit pas une combinaison de ces deux couleurs, mais des alternances fréquentes ; tantôt la surface entière paraît blanche, ou bien elle n’est blanche que par places ; puis, un moment après, le blanc s efface et le rouge apparaît ; puis, en faisant continuer l’expérience, le rouge disparaît à son tour et fait place au blanc. De même, si on combine l’image de lignes verticales avec l’image de lignes horizontales, on voit tantôt les unes, tantôt les autres.

Ces alternances, preuve de conflits entre les sensations des deux yeux, étonnent au prime abord ceux qui se rappellent que, dans les conditions normales de la vision binoculaire, les images fournies par les deux yeux, loin de présenter le moindre antagonisme, se fusionnent si complètement pour produire la vision d’un objet unique qu’on ne sait pas, à moins d’artifices spéciaux, quelle est la part de chaque œil dans cette vision. En réalité, s’il n’y a pas d’antagonisme dans les conditions normales, cela tient à ce que le rapport des images n’est pas le même que dans les expériences précédentes. Lorsque nous regardons un objet unique, nous avons deux images qui, malgré quelques différences, ne sont pas contradictoires, et peuvent se grouper dans une même synthèse pour former un objet unique.

L’antagonisme ne se produit entre les deux champs visuels que si ces deux champs présentent des couleurs ou des formes tout à fait différentes, qui ne peuvent pas être combinées. Il en est ainsi lorsqu’on fait coïncider uu quadrillage avec une feuille de papier imprimé ou une photographie avec une carte géographique ; alors tantôt c’est le quadrillage qui apparaît, tantôt ce sont les lettres ; tantôt c’est la photographie, tantôt c’est la carte géographique. Mais si les dessins présentent une certaine analogie, par exemple si l’on combine deux pages différentes imprimées de la même manière, il se fait facilement une fusion binoculaire des mots d’une page avec ceux de l’autre ; et l’on sait que la fusion est très complète lorsqu’on fait coïncider au stéréoscope deux images perspectives un peu différentes d’un même objet.

De plus, lorsque les images qu’on superpose sont assez contradic-