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chasse l’autre, mais que, en outre, elle lui emprunte des éléments, elle s’en nourrit en quelque sorte, et tend par conséquent à la désorganiser.

Suppression d’images mentales par idée fixe.

Nous allons maintenant exposer des observations dans lesquelles on rencontre sinon un processus de négation, du moins des phénomènes d’antagonisme et d’arrêt entre des images différentes.

L’idée fixe peut faire ce que fait l’hallucination. Je n’ai point cherché à provoquer des idées fixes par suggestion, mais ce phénomène s’est présenté spontanément dans des expériences ayant un tout autre but. J’ai montré précédemment[1] que lorsqu’on fait un nombre déterminé d’excitations sur la peau insensible d’une hystérique, en dehors de sa vue, et qu’on demande en même temps au sujet de penser à un nombre, le nombre pensé est souvent celui des excitations[2]. Je n’ai fait cette expérience que sur des hystériques qui avaient été fréquemment hypnotisées ; elle ne réussit probablement pas chez tous les sujets, surtout chez ceux qui n’y ont pas été préparés par l’hypnotisation[3].

Je désire ajouter un trait de plus à la description du phénomène précédent. Si on a prié le sujet de choisir un nombre avant qu’on ait commencé les excitations, le choix est fait rapidement et sans effort ; si, au contraire, on commence d’abord la série des excitations, il arrive souvent que le sujet ne peut pas choisir le nombre avant qu’elles aient pris fin, et on peut ainsi, en continuant les excitations, obliger le sujet à rester cinq ou dix minutes ou même un temps plus long, avant de pouvoir citer le moindre chiffre ; enfin, quand les excitations sont terminées, c’est le nombre total de ces excitations que le sujet indique, et souvent il ne peut pas penser à un autre nombre.

Ce sont là des phénomènes d’inhibition bien intéressants. Je crois qu’on peut s’en rendre compte. J’ai indiqué ailleurs ce qui se passe à propos de ces excitations non senties ; il se produit chez l’hystérique ce qui se produirait chez un individu sensible si on piquait sa

  1. Rev. phl., février 1889.
  2. Dans un récent article des Archives de Neurologie (mai 1889), sur La perception inconsciente, M. Onanoff, après avoir étudié une petite portion des phénomènes dont je m’occupe en ce moment, déclare que tous les éléments de la question lui étaient connus dès 1886. Il est fâcheux pour lui qu’il ait attendu de lire le compte rendu de mes recherches et de celles de M. Féré pour publier les sieunes.
  3. C’est là une réserve qu’on ne fait pas assez souvent.