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a. espinas. — les origines de la technologie

les oracles étaient obscurs et, loin d’en être scandalisé[1] on en profitait pour les interpréter le plus commodément. Enfin la personnalité des dieux, surtout celle de Zeus, était trop peu définie pour que leur volonté tînt en échec l’activité de l’individu. De telles antinomies ne se sont posées que plus tard. En se mouvant dans les limites fixées par les traditions, l’homme échappait à la fatalité : les usages qu’il suivait, les lois qu’il avait reçues de ses pères faisant partie de l’ordre cosmique, il y collaborait selon son pouvoir, à condition d’obéir au rite, à la formule et à la loi ; il s’identifiait presque avec la volonté des dieux ; il avait du moins l’assurance de conjurer ainsi autant qu’il était possible la malignité du Destin.

C’était enfin incontestablement un progrès que de concevoir les techniques dans leur ensemble comme un don de la divinité, au même titre que les fruits de la terre et les phénomènes bienfaisants de la nature. Car, grâce à cette conception, l’idée contraire de l’art, c’est-à-dire de l’initiative humaine agissant diversement selon la diversité des circonstances, a pu naître par opposition dans l’esprit des philosophes indépendants de toute croyance religieuse, en même temps que d’autres penseurs, religieux comme les théologiens primitifs, mais concevant autrement la divinité, posaient pour la première fois dans une antithèse inverse, la réalité du surnaturel. Nous allons assister au développement de ces deux doctrines[2].

(La fin prochainement.)
A. Espinas.

  1. Eschyle, Aqamemnon, v.  1255.
  2. À la nature s’opposent également, mais en sens divers, l’art, intervention de l’homme, le surnaturel, intervention de Dieu.