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a. espinas. — les origines de la technologie

Et les formes multiples de la divination, c’est moi qui les ai coordonnées, moi qui, le premier, ai montré dans les songes ce qui doit se réaliser et démêlé les présages, inintelligibles jusque-là. Des rencontres faites sur le chemin, du vol des oiseaux aux ongles crochus, j’ai réglé l’interprétation, désignant quels étaient favorables, quels autres sinistres, décrivant la manière de vivre de chacun de ces animaux, leurs haines naturelles, leurs amitiés, leurs fréquentations, révélant quel reflet, quelle couleur plaît aux dieux dans les entrailles des victimes, quels sont les divers aspects propices de la bile, du foie, et la manière de brûler les cuisses recouvertes de graisse… Voilà ce que j’ai fait. Et ce que, dans ses profondeurs, la terre cache à l’homme de matières utiles, l’airain, le fer, l’argent et l’or, qui donc s’en pourrait dire avant moi l’inventeur ? Personne assurément, à moins de vouloir parler pour ne rien dire. En un mot et afin de me résumer, retiens bien ceci : tous les arts sont venus aux hommes par Prométhée. » Il n’est pas jusqu’à l’espoir de l’immortalité que Prométhée n’ait donné à notre race ; car c’est lui, dit Eschyle, qui a enseigné aux hommes à cesser de craindre la mort : comment ? dit le chœur. « En faisant naître dans leur cœur d’aveugles espérances. »

Prométhée est foudroyé. Zeus l’emporte. On ne voit pas dans les autres drames d’Eschyle que sa souveraineté ait été compromise par la tentative de Prométhée, Quoi que puisse la providence humaine, elle reste toujours subordonnée aux décrets de la providence divine. Les chœurs d’Eschyle sont une hymne continuelle en l’honneur de ce dieu qu’il avait maudit comme un tyran. « Zeus, s’il est un dieu qui aime à s’entendre appeler de ce nom, c’est à lui que je m’adresse. J’ai tout pesé, et à mes yeux rien d’égal à Zeus pour soulager vraiment notre cœur du poids des vaines angoisses. Celui qui le premier fut grand (Ouranos), tout débordant de jeunesse et de force invincible, qu’attendre de lui ? C’est une puissance déchue. Et celui qui vint après lui (Ghronos) s’est effacé devant son vainqueur. Zeus, du fond de son cœur lui crier victoire, c’est s’assurer le bien suprême. À la sagesse c’est lui qui conduit l’homme. Au prix de la souffrance, le savoir ; c’est une loi qu’il a posée. Goutte à goutte, jusque dans le sommeil, tombe sur notre cœur le cuisant ressouvenir des douleurs et malgré nous la sagesse nous vient, salutaire contrainte des dieux assis aux sublimes hauteurs[1]. » Dans la même tragédie sont exposées les lois qui régissent la succession des actes humains et des

  1. Agamennon, v. 160-184. Nous avons utilisé pour ces divers passages la traduction de M. Ad. Bouillet.