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a. espinas. — les origines de la technologie

terre pour y planter des arbres, travaille toute l’année comme un mercenaire, et prend plaisir à tracer des sillons. Un autre, instruit dans les travaux chers à Minerve et à l’adroit Vulcain, gagne sa vie par l’industrie de ses mains. Un autre, disciple des Muses qui habitent l’Olympe, arrive à posséder une aimable sagesse. Un autre, par la grâce d’Apollon qui lance au loin ses traits, est devenu prophète ; il sait longtemps à l’avance quels maux menacent les hommes et celui auquel les dieux seront favorables ; mais aucun présage ne peut empêcher ce qui est fixé par le Destin et par les Dieux. D’autres, médecins, sont instruits dans l’art de Pæon et connaissent beaucoup de remèdes ; eux non plus ne peuvent réussir complètement ; souvent à une faible douleur succède une grave maladie ; personne ne peut la guérir par l’emploi des meilleurs remèdes, tandis que par la simple imposition des mains la santé est rendue à cet autre qui souffrait des douleurs les plus violentes. C’est le Destin qui distribue aux hommes et leurs maux et leurs biens et ils ne peuvent éviter ce que veulent leur donner les dieux immortels. Nul de nos actes n’est exempt de danger ; personne ne sait, quand il entreprend une chose, en prévoir la fin. L’un commence par bien faire, mais il manque de prudence et tombe dans une grande faute et un grand embarras. D’autres s’y prennent mal ; mais la divinité leur accorde malgré tout un heureux succès et ils ne portent pas la peine de leur imprévoyance. » (Trad. Patin.) Théognis fait écho à ces tristes paroles. « Nul, Cyrnus, ne doit s’attribuer à lui-même ni la perte ni le gain ; des dieux viennent l’un et l’autre. Point d’homme qui puisse savoir d’avance quelle est la fin bonne ou mauvaise de son travail. Souvent, croyant produire le bien, on amène le mal. Rien n’arrive à qui que ce soit comme on l’a voulu, il rencontre sur sa route la borne de l’impossible. Nous n’avons, faibles humains, que de vaines imaginations, point de connaissance réelle. Aux dieux seuls il appartient de tout accomplir selon leur volonté[1]. » Ce langage ne surprend pas dans la bouche de Théognis, tout meurtri et irrité de la chute de son parti, inconsolable d’avoir perdu sa situation privilégiée dans l’État. Mais n’est-il pas étrange dans la bouche de Selon ? Comment n’y pas voir l’écho de quelque doctrine généralement acceptée autour de lui, très probablement de l’enseignement des grands sanctuaires, alors à l’apogée de leur influence, plutôt que l’expression des convictions où Selon puisait ses résolutions viriles et ses bienfaisants desseins ? Homme d’action, appartenant par ses principes et son œuvre politique aux temps nouveaux, l’un des premiers et des plus brillants représen-

  1. V. 133, 142. Même trad.