Page:Revue philosophique de la France et de l'étranger, XXX.djvu/13

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
3
g. fonsegrive. — l’homogénéité morale

tique de l’espèce, de la caractéristique familiale et enfin du quid proprium résultant des conditions particulières de la conception, de la gestation, etc. Tous ses actes sont des produits dont les deux facteurs sont : 1o son organisation ; 2o les excitations qu’il reçoit de son milieu. Ces actions sont toutes favorables à la conservation de l’individu, elles succèdent immédiatement aux excitations, évitent une peine ou procurent un plaisir avec la promptitude et la fatalité d’un réflexe. Plus souvent ces actions se seront renouvelées, plus l’habitude leur donnera de force, de sorte que, lorsque l’enfant sera capable de retenir des images, de les comparer, de réfléchir en un mot, il se trouvera déjà en lui un petit personnage tout formé, qui pourra se réduire et être ramené aux derniers plans, mais qui ne disparaîtra jamais, qui formera comme la base et l’assiette du caractère. Ce personnage étant le résultat de la sensation brute, nous pouvons l’appeler un personnage sensitif.

Mais l’enfant n’a pas seulement des sensations, il a encore des images, il se souvient du passé et ce souvenir se pose de lui-même en face de la conscience du présent. Ces juxtapositions d’états psychiques donnent lieu à des plaisirs et à des douleurs différents par nature de ceux qui résultent immédiatement des excitations physiques, ce sont les plaisirs et les douleurs de sentiment. Ici encore l’enfant réagira de façon à éviter la douleur et à se procurer du plaisir. Comme il vit dans un milieu social, qu’il est attaché par habitude ou par sympathie aux personnes qui l’entourent, qu’il prend plaisir à répéter les actes qu’il voit accomplir, ses plaisirs et ses douleurs deviendront de plus en plus des produits d’éléments complexes.

L’image des actions des autres crée en lui une tendance à réaliser des actions semblables dans des circonstances semblables. Cette tendance a d’autant plus de force que la personne dont l’enfant a vu l’action a plus d’autorité. Cette autorité à son tour se décompose en facteurs dont les uns sont directement sensitifs, les autres plus ou moins éloignés de leur source sensible première. Ainsi le volume physique de la personne, l’amplitude des mouvements, le ton de la voix sont certainement des facteurs de l’autorité. Les grands imposent l’imitation de leurs actes et il est bien rare que les enfants imitent plus petit qu’eux. Viennent enfin les associations qui, par la fréquence de leur répétition ou la quantité de bien et de mal qu’elles nous font attacher à une personne, donnent à l’image de ses actes une force plus grande de réalisation. L’enfant envahit ainsi son individualité native. Sans qu’il s’en doute, il se modèle sur les gens qui l’entourent, il leur empreinte leur accent, leurs