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a. espinas. — les origines de la technologie

systématique. Le mot de pratique comporte sans doute un sens plus étendu ; il peut être facilement pris comme substantif concret (une pratique, les pratiques) ; il convient à toutes les manifestations collectives du vouloir, à celles qui sont spontanées comme à celles qui sont réfléchies. Il fournit pour désigner la science de cet ordre de faits dans son ensemble un terme excellent : la Praxéologie. Mais il court le risque, à cause de sa largo extension, d’être mal entendu et de donner lieu à des confusions. Peut-être les deux mots de Technologie et de Praxéologie seront-ils adoptés tous les deux pour désigner, le second (Praxéologie) la partie la plus absolument générale, le premier (Technologie) la partie immédiatement inférieure en généralité du même groupe de recherches. Nous les emploierons le plus souvent avec ces significations corrélatives en faisant de la Technologie générale l’objet de notre préoccupation dominante, comme science non des formes les plus universelles et des principes les plus élevés de l’action dans l’ensemble des êtres vivants — ce serait l’objet réservé à la Praxéologie — mais des groupes de règles pratiques, des arts ou techniques qui s’observent dans les sociétés humaines adultes, à quelque degré civilisées. Mais il nous arrivera d’employer indifféremment l’un ou l’autre terme.

La Technologie comprend trois sortes de problèmes, résultant de trois points de vue sous lesquels les techniques peuvent être envisagées. Premièrement, il y a lieu de procéder à la description analytique des arts, tels qu’ils existent à un moment donné dans une société donnée, de déterminer leurs espèces variées, et de ramener ensuite celles-ci par une classification systématique à un petit nombre de types essentiels ; ainsi sera constituée la morphologie des techniques, correspondant au point de vue statique, fondement et point de départ de toute connaissance du réel. Le sociologue procède ici comme le botaniste et le zoologiste ; le caractère de fixité que les arts empruntent à l’action de la tradition lui permet de les étudier comme nous étudions les organes et les instincts des êtres vivants. Secondement, il y a lieu de rechercher sous quelles conditions, en vertu de quelles lois, chaque groupe de règles entre en jeu, à quelles causes elles doivent leur efficacité pratique : c’est le point de vue dynamique. Les organes de la volonté sociale ont leur physiologie comme les organes de la volonté individuelle. Troisièmement, les deux points de vue statique et dynamique étant combinés, il y a place à une étude du devenir de ces organes eux-mêmes, soit qu’elle porte sur la naissance, l’apogée et le déclin de chacun d’eux dans une société donnée, soit qu’elle porto sur l’évolution de toute la série des techniques dans l’humanité, depuis les plus simples