Page:Revue philosophique de la France et de l'étranger, XXX.djvu/123

Cette page n’a pas encore été corrigée


LES ORIGINES DE LA TECHNOLOGIE


Introduction.

Des pratiques ou arts comme faits. — Dans l’art de l’homme comme dans l’instinct de l’animal, il y a deux caractères dominants. L’instinct est une forme d’action transmise par l’hérédité avec l’organisme, son uniformité et son immutabilité ont surtout frappé les observateurs ; on ne peut nier cependant qu’il ne comporte à mesure qu’on s’élève dans l’échelle une part plus grande d’invention et d’initiative individuelle, ne serait-ce que dans l’application de la règle générale aux circonstances particulières : d’ailleurs, comme il a dû commencer, et que la règle immuable qu’il impose aux actions des animaux actuels n’a pu naître que grâce à l’adaptation d’impulsions antérieures à des circonstances nouvelles dans les générations disparues, la variation, la tentative dans l’inconnu à partir d’une règle donnée est aussi essentielle à l’idée que nous devons nous en former que l’observance de séries préordonnées de mouvements, inscrites dans l’organisme et inhérentes à l’espèce. Inversement, l’art est assurément le produit de l’expérience et de la réflexion ; il suppose une invention, un acte d’initiative et de liberté ; tout perfectionnement de la pratique humaine est dû à quelque audace individuelle en rupture avec la routine ; et pourtant, si on regarde les choses de plus près, on voit que nulle invention ne peut se produire dans le vide, que l’homme ne saurait perfectionner sa manière d’agir qu’en modifiant des moyens dont il disposait antérieurement ; que l’immense majorité de nos actes rentre à notre insu dans des moules préétablis, procédés, mœurs, usages, coutumes, traditions, lois civiles ou religieuses et qu’en fin de compte — si les règles imposées par l’art sont transmises à chaque individu moins par l’hérédité que par l’exemple et l’éducation — un art est cependant plutôt un ensemble de règles fixes qu’une collection