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ANALYSES.j. veitch. Knowing and Being.

Ce qui a été absolument nouveau dans la philosophie anglaise de ce temps, c’est l’ambition d’une vue compréhensive du monde, tranchons le mot, d’une explication universelle. De Leibniz à Hegel, le concept d’évolution demeure abstrait, idéaliste, sans attaches vivantes avec les résultats de l’expérience. Spencer en fait le pivot d’un système conséquent auquel il donne une assez large assiette pour y faire tenir le darwinisme. Essai téméraire, dont beaucoup sont aveuglés. M. Hœffding ne le soustrait pas aux prises de la critique ; mais peut-être se montre-t-il encore trop indulgent à cette métaphysique de Spencer, qui ne se soutient que d’une continuelle transposition de sens. Les incontestables services du maître ne sont pas là.

Lucien Arréat.

J. Veitch. Knowing and Being. 1 vol.  in-12, vi-323 p. Édimbourg et Londres, William Blackwood and Sons.

Ce livre n’est qu’une longue réfutation du criticisme contemporain tel qu’il est représenté en Angleterre par M. Green, d’Oxford. C’est surtout la théorie de la connaissance qui est en butte aux attaques de l’auteur. M. Veitch paraît avoir l’idéalisme en horreur ; il combat l’identité essentielle du sujet et de l’objet et ses conséquences, par tous les arguments dont dispose un logicien exercé. C’est dire qu’il y en a beaucoup. Peut-être même y en a-t-il trop. À côté d’objections sérieuses et qui pourraient sinon convaincre ses adversaires, du moins les embarrasser, nous en trouvons d’autres où les mots paraissent avoir plus de part que les idées. Ajoutons que la manière un peu sèche et scolastique dont elles sont présentées rend parfois la lecture trop pénible en raison du profit que l’on peut en tirer. Bien des choses auraient pu être dites plus simplement, et les critiques sérieuses et vraiment intéressantes auraient gagné à être groupées en quelques pages, au lieu d’être disséminées en neuf longs chapitres. Enfin nous n’avons là que des résultats purement négatifs, et si nous savons bien ce que M. Veitch ne pense pas, nous ne savons guère ce qu’il pense. Les partisans de l’idéalisme néo-kantien auraient sans doute, de leur côté, bien des objections à présenter au dualisme que paraît soutenir l’auteur. Ce dernier aurait dû nous dire un peu plus explicitement comment il les résout.

Il y a, au reste, beaucoup de bonnes choses dans ce livre et l’on est parfois bien récompensé du travail nécessaire à l’intelligence de ces spéculations métaphysiques.

Georges Rodier.