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Harald Hœffding. Einleitung in die englische Philosophie unserer Zeit. Leipzig, Thomas, 1889, iv-249 p. in-8o.

Cette introduction à la philosophie anglaise contemporaine a paru en langue danoise en 1874. M. Kurella donne aujourd’hui la traduction allemande de cet ouvrage, qui est de valeur, comme on le pouvait attendre de l’éminent professeur de Copenhague. Les doctrines anglaises de ce temps y sont étudiée, sous ces trois titres : le pur empirisme, l’école critique, la philosophie de l’évolution. Je n’ai pas à reprendre, bien entendu, l’exposé de M. Hœffding. et il serait même superflu de relever les critiques semées discrètement à travers les pages de son livre. Je n’en citerai que la conclusion, écrite en 1887 pour l’édition actuelle : elle est le meilleur résume que j’en pourrais faire.

Tandis que la philosophie du continent présente les doctrines les plus diverses, la philosophie anglaise, écrit M. Hœffding, offre, au contraire, un développement très régulier. Chaque penseur s’y rattache à celui qui le précède, prend les questions au point où il les a laissées, et cette communauté dans le travail devient avantageuse, parce que l’orientation des esprits est sensiblement la même. L’Angleterre rentra on scène vers 1830, et Ion put croire d’abord à une renaissance de sa vieille école. Stuart, Mill, Bain, Spencer, n’étaient pas cependant de simples épigones : ils ont mis en valeur et singulièrement agrandi l’héritage de Locke, de Berkeley et de Hume.

L’empirisme fondé par Hume a été poussé par Mill à ses extrêmes conséquences. On a reconnu ainsi plus sûrement ce qu’il vaut et quelles sont ses limites. La discussion entre l’empirisme et le criticisme de Kant a pu être reprise, et le problème de la connaissance étudié sous une autre face. En tant que théorie psychologique, l’empirisme acceptait la connaissance comme un matériel, et il réduisait la conscience en éléments auxquels la seule loi de l’association des idées prêtait un lien tout extérieur. La nouvelle école a fait un pas en avant. L’abandon, par Stuart Mill, de la théorie de la contiguïté, sur laquelle il avait bâti sa logique, a commencé la conversion. L’influence de Hamilton et de l’école allemande était visible ici. Elle l’est plus encore dans la psychologie de Spencer. On envient décidément à penser que les lois de l’association, loin d’exclure l’unité et l’activité de la conscience, la supposent, et ne sont que les formes sous lesquelles elle se manifeste. Mais l’école allemande n’avait affirmé la spontanéité de l’esprit que d’une manière dogmatique. Le mérite de l’école anglaise a été d’en considérer clairement les conditions, et l’école moderne a agrandi notre horizon en posant le principe que ce qui est inné dans l’individu a dû être acquis dans la vie de l’espèce.

Cette formule a prêté à un malentendu. Elle ne nous peut certes aider en rien à résoudre le problème de la connaissance, quoique Spencer l’ait pu croire ; elle n’en reste pas moins importante pour la recherche psychologique du développement réel de la connaissance.