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rale, hostile à toute réglementation, à toute interdiction, à tout monopole dont la nécessité ne se fait pas absolument sentir. Or, en fait d’hypnotisme, le diplôme médical ne lui paraît conférer aucune capacité particulière ; loin de là, tous les magnétiseurs, tous les initiateurs et les vulgarisateurs de cette néo-sorcellerie, ont été étrangers à la médecine ; et, quant aux dangers que présente pour la santé ou la moralité générale la publicité des séances d’hypnotisation, il se refuse, après examen, h les admettre. Il réduit à rien — ou à presque rien — les faits d’accidents graves invoqués contre Donato, et, notamment, ceux que M. Lombroso lui a reprochés. À ce sujet il a ouvert une enquête, qu’il croit décisive. Il résulte au moins de cette habile et courageuse plaidoirie qu’on a souvent été trop prompt à accueillir des plaintes vagues, des accusations répétées sans fondement, contre le célèbre fascinateur belge. Mais on pourra dire tout ce qu’on voudra, il ne faut pas être le premier venu pour avoir suscité des enthousiasmes tels que celui de Morselli en Italie et de Delbœuf en Belgique, pour posséder un sujet ou un avocat de cette force. M. Morselli, on le sait, s’est fait endormir longtemps par Donato et a fait un livre à sa louange ; M. Delbœuf le connaît à peine et, malgré cela, se constitue son champion envers et contre tous. On a eu tort, disons-le sérieusement, au dernier congrès d’hypnotisme, de blâmer avec sévérité cette attitude du savant liégeois ; et, sans avoir à prendre parti dans cette querelle, où il n’a pas été l’agresseur, nous devons rendre hommage au sentiment tout à fait désintéressé et chevaleresque qui lui a inspiré la défense de « l’hypnotiseur des tréteaux », son compatriote. Que quelques-uns des sujets de Donato, après son passage dans une ville, aient ressenti des troubles cérébraux, c’est possible, quoique M. Delbœuf le nie ; c’est probable même, et, vraiment, quand on a vu ces malheureux, sur les planches, tomber à la renverse comme des sacs de plomb, on serait surpris du contraire. Ces cas sont rares toutefois, jamais mortels ; les cas d’homicide involontaire par l’emploi du chloroforme ou par de maladroites opérations chirurgicales, sont bien plus nombreux. En fait de publicités redoutables, que l’on commence donc par supprimer celle des comptes rendus de cours d’assises, qui rend le criminel prestigieux et le crime contagieux ; sans parler des exhibitions pornographiques de tout genre. — Au fond, ce qui agace l’éminent professeur de Liège, c’est la fausse pudeur des savants qui n’osent pas reconnaître franchement les services certains rendus à la science par les magnétiseurs de profession. Charlatans, soit. Mais le charlatanisme patent, celui qui monte sur les planches, est-il le plus à redouter ? Il est peut-être bon qu’il existe, ne serait-ce que pour donner l’illusion de croire qu’il n’y en a pas d’autre. Puis, est-ce que les chimistes peuvent méconnaître leur dette envers les alchimistes, les astronomes la leur envers les astrologues ? Je suis sûr que, si Raymond Lulle revenait au monde, M. Berthelot, l’auteur d’un si beau livre sur l’alchimie, organiserait un banquet en son honneur ; et, si