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ANALYSES.f. thomas. La philosophie de Gassendi.

suivante : l’esprit est une synthèse de phénomènes organiques et de phénomènes psychiques qui sont de véritables produits sociaux et un élément du système social.

Il y a, on le voit, dans le livre de M. Paulhan, dont le résumé qui précède n’est guère qu’une citation, un amas considérable d’idées et de faits. On pourrait lui reprocher quelques longueurs, un certain manque d’unité et de plan qui se marque par des redites assez fréquentes. En les évitant, l’auteur aurait pu économiser quelques pages et les consacrer à élucider un peu plus ses conclusions dernières, sur lesquelles il nous reste quelques doutes. Nous voudrions savoir où il faut chercher en somme l’explication de la vie mentale, c’est-à-dire de tout. On nous dit que les éléments de l’esprit expliquent l’esprit même et que l’esprit explique, à son tour, ses éléments ; puis, que les éléments de l’esprit sont ses produits sociaux et que, réciproquement, la société est un consensus d’esprits. Devons-nous nous en tenir à ce cercle et déclarer, par suite, qu’il n’y a d’explication dernière de rien, ou bien faut-il penser que ce sont les synthèses qui contiennent la raison de leurs éléments, les touts de leurs parties ? Il nous semble que M. Paulhan admet implicitement la première de ces solutions, mais nous aurions aimé un peu plus de précision, ou peut-être simplement, de clarté sur ce point. Nous n’avons pu donner dans ces quelques pages qu’une idée sommaire de ce livre éminemment suggestif.

Nous avons omis nombre d’aperçus originaux, de rapprochements intéressants, entre la vie mentale et les phénomènes physiologiques et sociaux. Il y a là, croyons-nous, de quoi satisfaire les esprits les plus curieux de psychologie scientifique, aussi bien que les plus épris de spéculations abstraites.

Georges Rodier.

P.-Félix Thomas. La philosophie de Gassendi. F. Alcan, in-8o, 320 p., 1889.

C’était une heureuse idée que de faire revivre à nos yeux Gassendi philosophe, et il est à souhaiter que plusieurs, suivant le bon exemple de M. T., songent à nous ressusciter de même d’autres philosophes français du xviie et du xviiie siècle, comme Arnauld, et même Rohault, Cordemoy, ou Régis, et même l’abbé Foucher, que Leibniz ne dédaigna pas de prendre avec Arnauld comme premier confident de ses méditations, sans parler de Malebranche sur lequel tout n’est pas dit encore, enfin et surtout Condillac. Et j’en passe beaucoup qui ne seraient pas moins intéressants. Notre philosophie française offre un champ plus riche que l’on ne pense, où bien des coins çà et là restent à défricher.

M. T. a eu le courage de lire Gassendi lui-même dans le texte latin (Gassendi opera omnia, Lyon, 1658), ne se contentant pas de l’Abrégé de la philosophie de Gassendi, qu’avait donné François Ber-