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ANALYSES.paulhan. L’activité mentale, etc.

peuvent s’accorder avec elle et la compléter. À propos de toute perception il se fait ainsi une sorte de raisonnement, bien sensible dans le somnambulisme où une idée suggérée déforme la réalité pour la rendre susceptible de s’harmoniser avec elle.

Si nous considérons des formes plus hautes de l’activité mentale, la formation des idées, le jugement, la même loi se vérifie. Avoir l’idée d’une chose c’est pouvoir soit la décrire, soit la reconnaître, c’est-à-dire la faire entrer dans un système ; juger c’est séparer un élément d’une idée complexe et le rattacher à un nouveau système d’éléments. L’hypothèse, la croyance, la certitude, peuvent s’expliquer d’une manière analogue dans la certitude, l’idée ou la tendance est en complète harmonie avec tous les systèmes de l’organisme psychique. Dans la croyance, l’association systématique existe encore, mais plus faible ; une lutte, un désaccord plus ou moins considérables subsistent entre les divers éléments de l’esprit. Enfin dans le doute, la division devient encore plus grande et ni l’un ni l’autre des systèmes opposés ne peuvent déterminer l’orientation de l’esprit. La loi d’association systématique se vérifie encore dans la formation des phénomènes intellectuels : toute idée implantée dans la conscience cherche à se subordonner d’autres éléments ou, du moins, à les coordonner avec elle ; les anciennes cherchent aussi à se subordonner les idées nouvelles et ne les accueillent que dans la mesure où elles peuvent se concilier avec elles. On peut en dire autant des tendances. Elles consistent essentiellement en un ensemble de phénomènes coordonnés en vue d’une fin unique, et lorsqu’elles s’établissent c’est qu’elles peuvent se combiner avec quelques tendances secondaires ou supérieures. Si elles étaient en conflit avec toutes ou presque toutes les tendances préexistantes, elles seraient immédiatement comprimées.

C’est précisément dans cet essai fait par un certain nombre de tendances d’un nouveau phénomène qui cherche à s’établir dans l’esprit que consiste le pouvoir personnel. Plus la collection des éléments de l’organisme mental est systématisée, plus leur connexion est étroite et moins une tendance peut prendre naissance sans être susceptible de s’harmoniser avec l’ensemble qu’ils forment. Cet ensemble constitue précisément la personnalité, le moi qui apparaît dans une certaine mesure comme distinct de ses états. L’intervention du moi dans la délibération n’est que l’essai fait par les diverses tendances de l’état qui tend à s’imposer. Celui qui a subi cette épreuve avec succès entre, dans la suite, plus facilement en activité et finit quelquefois par échapper complètement au contrôle des autres tendances. Il y a alors habitude et automatisme croissants.

De même que le moi, chaque trait du caractère et de la personnalité est constitué par la coordination systématique d’un certain nombre de tendances. Il y a en chacun de nous quelques éléments psychiques dominants auxquels est associé un grand nombre de tendances secondaires. La personnalité totale est composée de plusieurs moi qui coexis-