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société de psychologie physiologique

Dans un troisième état, la sensibilité est plus complète, elle atteint le plus haut degré de perfection qu’elle puisse avoir chez ce sujet ; quant à moi, je n’ai jamais pu l’amener au delà. M… sent bien partout et distingue assez nettement les diverses sensations. Elle reconnaît le chaud, le froid, le pincement, la piqûre, nomme un objet mis dans ses mains, sent également la position de ses bras sans les voir, etc. Dans cet état, il y a aussi un remarquable progrès dans la localisation des sensations : « Vous me piquez, vous me touchez, à l’épaule, au bras, au poignet, au genou, à la cheville du pied, me répond-elle tout à fait correctement. Il n’y a de trouble de localisation que pour le corps, la poitrine et le dos où elle localise tout de travers et pour les doigts qu’elle ne semble pas distinguer l’un de l’autre. Ces sensations et ces localisations se font très lentement avec un grand retard de la réaction, mais cependant semblent assez parfaites.

Eh bien, à ce moment, et c’est sur ce point que j’insiste, malgré cette sensation et cette localisation, elle ne distingue absolument pas les deux côtés du corps. « Vous me piquez le poignet, dit-elle. — C’est vrai, mais quel poignet, le droit ou le gauche ? — Je ne sais pas. » Quand j’insiste trop, elle répond au hasard et se trompe presque toujours. Il y a donc sensation assez fixe et localisation exacte dans le sens de la hauteur sans aucune localisation latérale, sans distinction des deux côtés.

Nous allons retrouver dans les mouvements le même progrès et le même trouble que dans les sensations. Elle remue bien les mains, les bras, les yeux fermés, même quand on a dérangé leur position initiale ; elle ne présente plus ni paralysie, ni catalepsie, ni tremblement d’aucune sorte, elle a plus de force et de précision dans les mouvements. Seuls les mouvements des doigts isolés présentent le même trouble que nous avions noté dans leur sensibilité, elle remue le médius quand je lui demande de remuer l’index et le petit doigt au lieu du pouce, les autres mouvements des bras ou des jambes se font sans erreur. Mais ici encore nous retrouvons la même ignorance des deux côtés du corps : elle ne sait pas ce qu’il faut faire pour remuer un côté du corps plutôt que l’autre ; elle remue l’un ou l’autre au hasard sans savoir pourquoi. Elle fait bien le mouvement précis qu’on lui demande, mais elle le fait du bras gauche au lieu de le faire du bras droit ou réciproquement, sans paraître s’en apercevoir.

Il n’y a pas, comme on pourrait le croire, d’autres troubles du mouvement associé à celui-là. Ainsi il n’y a pas de syncinésie, comme je l’ai vu sur une autre malade qui ne pouvait remuer son bras gauche anesthésique sans faire avec le bras droit le mouvement symétrique. M… remue bien les membres séparément. Cette personne n’est ni ambidextre, ni gauchère. Si je lui mets un crayon dans les deux mains, on lui cache les mains par un écran, la main droite écrit seule, la gauche ne bouge pas. Si, sans la prévenir et en lui cachant les mains, je lui mets un crayon seulement dans la main gauche, elle essaye d’écrire sans se