Page:Revue philosophique de la France et de l'étranger, XXIX.djvu/666

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
652
revue philosophique

Mais en aura-t-elle la force ? Cela dépend de nous et de nous seuls. Socrate et tous les moralistes après lui ont soutenu que la vertu ne peut s’enseigner, que c’est un bien véritablement personnel, que chacun peut et doit l’acquérir par ses propres efforts. Notre volonté n’est libre que si nous le voulons et dans la mesure où nous le voulons. » (P. 175.) — Mais sommes-nous libres de vouloir ? Il y paraît puisque d’après M. Joyau si la volonté ne peut s’exercer que dans un sens, il dépend d’elle de ne s’exercer point. — Alors c’est le libre arbitre qui l’emporte et M. Joyau n’est pas le « conciliateur » que nous annoncions, et cela pour avoir pris au sérieux les objections de l’auteur contre les partisans du libre arbitre. La franchise de sa déclaration de guerre nous avait fait illusion et en l’entendant nier la liberté de choix nous nous demandions naïvement comment cette négation pouvait marcher de pair avec celle du déterminisme. Nous lisions et relisions ; et la lumière, en dépit de la très claire façon d’écrire de l’auteur, nous fuyait inexorablement. Il nous semble pourtant que si M. Joyau croit à la raison pratique, à la liberté du vouloir, à la liberté du non-vouloir il faut bien qu’il en vienne jusqu’au libre arbitre.

Et M. Joyau paraît bien près d’y venir. En effet là où les autres disent « Volonté du bien » il consent à parler comme eux ; là où ils disent « Volonté du mal » il prie que l’on dise « Nolontè du bien » ou « Nolonté » tout court. M. Joyau, j’en suis sûr, accepterait ce nécrologisme. — Mais alors pourquoi s’en prend-il aux défenseurs du libre arbitre ? Cette polémique étonne et déroute. À parler franc, nous ne sommes pas encore assurés d’avoir saisi l’idée maîtresse du livre.

Lionel Dauriac.

C. Hillemand. Introduction a l’étude de la spécificité cellulaire chez l’homme. Steinheil, 1889, 90 p..

La thèse de M. Hillemand n’est pas uniquement, comme son titre semble l’indiquer, une étude d’anatomie ; elle soulève tant de questions générales sur la nature de l’organisme vivant, elle présente des théories si originales et si importantes sur la classification des espèces, qu’elle nous a paru intéresser les philosophes autant que les médecins et avoir une place toute marquée dans cette Revue.

Les philosophes connaissent bien, surtout depuis la publication du beau livre de M. Espinas, les théories autrefois si audacieuses et maintenant généralement adoptées sur la composition des êtres vivants. L’animal n’est pas une individualité simple, c’est une individualité composée, résultat de l’association d’un plus ou moins grand nombre d’individualités élémentaires représentées par des cellules. Chacune de ces cellules est un être très complexe, ayant sa vie propre, se reproduisant par voie de génération et remplissant dans l’organisme des fonctions spéciales et très différenciées. Les unes absorbent, les autres trans-