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ern. naville. — science et matérialisme

proprement dites. Elle voit son père (mort), des mots ou lettres qui la fatiguent, sans que ces hallucinations (auxquelles elle croit pendant qu’elles se produisent) se distinguent pour elle des visions ayant des objets réels. Les faits de perception anormale appartiennent à l’état hystérique le plus prononcé ; les hallucinations, à une période où le mal est moins intense. Mme X… n’a pas été magnétisée ; le docteur ayant essayé quelques passes, elle l’a prié de cesser. Les signes organiques externes se réduisent à la fixité du regard. Il n’y a pas de fièvre. Le tout se passe dans l’état fondamental de veille. Elle parle peu ou point dans les crises. Le souvenir subsiste, et la malade rapporte que les visions coïncident avec une douleur de tête intense qui affecte particulièrement le côté gauche. Elle est, pendant les phénomènes, dans une sorte d’extase variable en degré. Dans l’état le plus prononcé, elle ne répondrait pas à des questions.

Le fait inscrit sous le n° 4 n’est qu’une surexcitation du sens de l’ouïe et ne peut pas être considéré comme une perception anormale. Mais les cinq autres faits échappent entièrement aux explications tirées des lois connues de la physiologie.

Tous les récits de cette nature doivent être acceptés provisoirement sous bénéfice d’inventaire ; et les témoignages qui les transmettent doivent être pesés avec soin. De plus, ces faits ne peuvent pas être la base d’une induction comme celle du physicien qui, partant de la notion de la constance des phénomènes naturels, peut conclure d’une seule observation certaine à une loi. En effet, il est probable que, dans tous les cas de perceptions anormales, s’il en existe, les visions qui se trouvent réelles sont mêlées d’hallucinations, comme c’était le cas pour Mme X… Il faut donc toujours admettre comme possible la simple coïncidence entre une hallucination et un phénomène extérieur. Mais on comprend que l’hypothèse des coïncidences fortuites perd de sa valeur dans la mesure du nombre des phénomènes observés. La question est de savoir si les observations sont, ou seront assez nombreuses pour qu’on puisse admettre que des perceptions anormales ont été valablement constatées. Tout esprit prudent pensera, je le crois, que la question ne peut pas encore être résolue ; mais que la négation a priori est antiscientifique, et que c’est à un point d’interrogation qu’il faut s’arrêter. En s’y arrêtant, il subsiste un doute d’une très grande portée.

S’il est admis, même à titre de simple possibilité, que l’esprit ait des perceptions dans des conditions absolument autres que celles que détermine notre science, que devient la thèse des savants qui, étudiant les phénomènes du système nerveux, affirment que les phénomènes psychiques n’en sont que la face subjective ? Il y aurait,