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ern. naville. — science et matérialisme

raconter[1] », et il écrit : « Les lois de la nature sont l’expression la plus rigoureuse de la nécessité[2]. » Il est bien difficile d’entendre comment la nécessité est un fait que la pensée se borne à raconter. Mais revenons à M. Herzen.

Après avoir déclaré au début de son œuvre (page 6) que la science ne peut décider entre le monisme et le dualisme, ce savant se livre à une étude spéciale de physiologie, et en avançant, il écrit :

Page 31. — À l’occasion des rapports entre l’organisme et les fonctions psychiques, « ce qui importe c’est de bien nous convaincre qu’il s’agit ici d’une chose seule, unique, dont l’existence présuppose deux attributs également nécessaires : l’attribut matériel et l’attribut dynamique ».

Page 53. — « La force et la matière sont une seule et même chose, et ne peuvent être séparées que verbalement. À l’appui de cette idée j’invoque le témoignage de la physique et de toute la chimie modernes ; il ne laisse à cet égard aucun doute : ces deux sciences exactes s’il en fut condamnent irrévocablement la conception vulgaire de la distinction essentielle entre la force et la matière, et par conséquent le dualisme qui est l’expression philosophique de cette conception. »

Page 85. — « L’activité psychique doit être et ne peut pas être autre chose qu’un mouvement. »

Page 94. — « Tout acte psychique consiste en une transmission et en une modification d’une impulsion extérieure, c’est-à-dire en une forme particulière de mouvement. »

À la page 6, la science laisse le choix libre entre le monisme et le dualisme, et aux pages 31 et 53 le dualisme est une conception vulgaire absolument condamnée par la science. À la page 6, nous ne pouvons pénétrer l’essence des choses, et aux pages 85 et 94 nous savons que le mouvement est l’essence des actes psychiques. La contradiction est visible. Je l’explique par les préoccupations exclusivement physiologiques de l’auteur. La page 6 a été écrite par l’homme qui voit les diverses faces des choses ; les pages suivantes ont été rédigées par le physiologiste demeuré seul. Il serait facile de citer d’autres exemples de contradictions analogues. L’oubli des données immédiates de la conscience permet seul d’identifier les phénomènes physiologiques et les phénomènes psychiques. La préoccupation exclusive du moi est, en morale, la source principale du mal, l’oubli du moi est, en psychologie, la source maîtresse des erreurs.

  1. La circulation de la vie, t.  I, p. 22.
  2. Ibid., p. 6.