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ern. naville. — science et matérialisme

volume et à la direction, et les idées arithmétiques relatives à la masse et à la vitesse. Or, un phénomène psychique échappe par sa nature même à une expression qui permette d’établir son équivalence avec un mouvement. Prenons le cas le plus simple, celui d’une sensation. Pour la physiologie, une sensation est un mouvement moléculaire dans certains éléments du système nerveux. C*est la condition de la sensation, et non la sensation même, au sens psychique du terme. Les physiologistes contemporains ont entrepris des études curieuses sur ce qu’on appelle la mesure des actes psychiques. Il s’agit du temps qui s’écoule entre une impression faite sur les sens et la réaction consécutive à cette impression, temps qui varie selon l’espèce des impressions et la nature des individus. La double transmission physiologique des sens externes au centre nerveux et de ce centre aux organes est un mouvement dont la vitesse s’exprime par le temps et l’espace. Le fait psychique, en lui-même tombe sous la loi du temps ; une douleur ou une joie se mesurent à la montre ; mais il est impossible de faire entrer l’espace dans leur expression. C’est pourquoi des équations établissant l’équivalence des faits physiologiques et des faits psychiques, sont et seront toujours impossibles. Considérons la chose sous un autre aspect.

Dans un mouvement purement réflexe, c’est-à-dire dans la réaction cérébrale ou spinale provoquée par une excitation des sens et tout à fait inconsciente, y a-t-il une des applications du principe de l’équivalence ? On répondra oui, sans hésiter, si l’on admet la conservation de l’énergie. Il s’agit d’un mouvement qui se transforme en vertu des propriétés de la cellule nerveuse, sans varier en quantité. Lorsque le mouvement réflexe est conscient, l’équivalence physiologique cesse-t-elle ? Si elle ne cesse pas, la conscience et tous les phénomènes psychiques dont elle est le siège n’entrent pas dans les équations, parce que ce sont des quantités d’une autre nature que les mouvements. S’il y a transformation des phénomènes physiologiques en phénomènes psychiques, l’équivalence purement physiologique cessera ; mais comme le fait psychique est inexprimable en mouvement, les équations seraient impossibles ; et sans équations possibles il n’y a pas d’équivalence constatable. Le passage des phénomènes physiologiques aux phénomènes psychiques ne serait pas une transformation, mais une véritable transmutation, puisque les phénomènes changeraient de nature. Que deviendra la doctrine de la conservation de l’énergie, si les mouvements de la matière deviennent des phénomènes d’un autre ordre, qui ne sont plus des mouvements actuels ou virtuels ? C’est pourquoi