Page:Revue philosophique de la France et de l'étranger, XXIX.djvu/631

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
617
p. regnaud. — des fonctions casuelles

la déclinaison, et le second qui en est contemporain, mais qui peut exister sans elle. Il n’y a pas lieu d’en conclure qu’il y ait là un défaut nuisible à la clarté de notre langue ; à cet égard les instruments qui nous restent suffisent parfaitement à l’expression nette de nos idées. Mais il n’en est pas moins vrai que nous nous sommes appauvris à un certain point de vue et que si nos ressources significatives sont restées entières, nos matériaux esthétiques en ce qui concerne l’art d’écrire ont subi un sensible détriment. Pour ne parler que du latin, les formes de la déclinaison fournissaient à Cicéron et à Virgile une mine de synonymes et de substitutions qui les aidaient singulièrement à varier leurs tours et à donner de l’harmonie à leurs périodes. À la place de la brique, de la pierre et du marbre entre lesquels ils avaient le choix pour la construction des merveilles d’architecture verbale qu’ils nous ont laissées, il n’est peut-être pas exagéré de dire qu’il ne reste à notre disposition que la brique et la pierre.

C’est un état de choses dont il faut d’ailleurs savoir prendre notre parti ; abstraction faite du vocabulaire, les langues ne sauraient s’enrichir au gré de ceux qui les emploient. Quand elles sont fixées comme la nôtre, il ne reste guère qu’à tirer le meilleur parti possible de leur acquit, car la nature ni l’art n’ont plus à intervenir.

Paul Regnaud.