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p. regnaud. — des fonctions casuelles

un adjectif tient réellement la place qu’y pourrait occuper un substantif régime. C’est ainsi qu’en grec on a, auprès du composé διογενής « celui dont l’origine est divine », l’équivalent θεογενής « celui qui est issu d’un dieu ». Dans le premier, le terme initial διο peut être rapporté à l’adjectif δῖος « divin », tandis que dans le second le terme correspondant θεο venant de θεός « dieu » est un substantif.

Au point de vue du sens, rien ne s’oppose donc à l’admission de cette hypothèse que les cas régimes dans la déclinaison et les termes régimes (qui sont toujours les premiers) des composés de dépendance, c’est-à-dire ceux dans lesquels le premier terme est le régime du second, sont d’anciens adjectifs.

IV

J’examinerai maintenant si la même hypothèse peut rester valable quand l’on se place au point de vue de la forme que présentent, d’une part les différentes désinences des cas régimes, de l’autre les premiers termes des composés de dépendance.

Les constatations suivantes sont déjà de nature à faire pencher pour l’affirmative :

1o La déclinaison des mots dits imparisyllabiques (comme celle du latin pes, pedis) est, autant qu’il est permis d’en juger par la comparaison, la plus ancienne de toutes.

2o Les éléments qui s’ajoutent dans les mots de cette espèce à la forme du nominatif singulier pour donner naissance aux cas régimes du même nombre peuvent se ramener tous, en tenant compte des variations phonétiques qu’ils ont pu subir[1], à celui qui aux différentes époques du développement des langues indo-européennes a servi à former des adjectifs dans le genre du latin septim-us « septième » auprès de septem « sept », du grec πιαρ-ός « gras » auprès de πῖαρ « graisse » et du sanscrit tamas-as « obscur » auprès de tamas « obscurité ».

3o La forme prise par les mots imparisyllabiques dans les composés de dépendance dont ils font partie comme premiers termes, surtout en grec et en latin, est voisine de celle des cas régimes et particulièrement de celle du génitif singulier.

4o La ressemblance à cet égard entre les composés (πατροφονεύς) et les non-composés correspondants (πατρός φονεύς) atteint l’aspect de l’identité dans un bon nombre de composés de dépendance, où le

  1. Pour la démonstration en règle de ce point de phonétique, voir Revue de linguistique, n° du 15 juillet 1890.