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h. lachelier. — la métaphysique de m. wundt

le caractère de permanence (Beharrlichkeit). En effet l’être dont l’essence est l’activité est, de par cette essence même, variable ; son existence est en effet, comme nous l’avons vu, une succession d’actions et de réactions. Tandis que le propre d’une substance est l’éternelle identité avec soi-même, le propre d’une volonté est le mouvement, le devenir perpétuels. L’idée de substance et l’idée de volonté sont donc absolument antithétiques, puisque l’une exclut ce que l’autre implique (so isi dit Sithstanz der volle Gegensatz zum thätigen Willen) ; aussi est-il absolument vain de vouloir associer ces deux idées dans un concept unique. Parier de substances actives, de substances forces, c’est unir deux termes contradictoires.

On pourrait objecter à cette conception de l’être volonté pure, qu’un être qui devient perpétuellement n’a plus d’unité et par conséquent ne mérite pas le nom d’être. M. Wundt répondrait que la continuité dans l’activité déployée, l’existence d’un lien entre tous les actes exercés suffit pour donner à l’être l’unité qu’exige notre pensée ; mais que vouloir transformer une unité de cet ordre en un être substantiel distinct de l’activité elle-même, c’est commettre la pire des « fautes ontologiques. »

En résumé l’être, étant une suite de volontés, n’est à aucun titre une substance. Mieux vaut donc éviter le terme de monade qui, par une association inséparable, évoque l’idée de substance. D’ailleurs la question du nom à donner aux unités actives importe assez peu, pourvu que l’on se rende bien compte de leur nature.

Nous indiquerons en quelques mots pour terminer cette exposition la conception du bien moral et l’idée de la divinité, auxquelles M. Wundt est conduit par sa métaphysique de la volonté.

La loi de l’univers paraît bien être, dans la pensée de M. Wundt, une tendance des unités simples de volonté à s’organiser et à former des unités de plus en plus composées et de plus en plus compréhensives. Le dernier terme de l’évolution de l’univers, c’est donc la formation d’une unité totale des volontés, unité qui donnera au monde une parfaite intelligibilité. De cette loi toute téléologique, il n’est pas impossible de déduire une loi morale. Si la moralité consiste, comme l’ont cru tous les anciens, à vouloir ce que veut la nature, il suffit de comprendre les lois les plus générales de la nature pour savoir ce qu’est le bien moral. Si la nature veut l’organisation et l’harmonie des volontés, cette organisation et cette harmonie constituent le bien moral. L’individu devra donc maintenir et développer, dans la mesure de ses forces, cette union des volontés inférieures qui composent son être propre. Il devra vouloir ensuite la plus complète harmonie possible des volontés dont l’en-