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h. lachelier. — la métaphysique de m. wundt

dividu est un composé, vu du dehors, il ne saurait être une unité simple, vu du dedans. L’ontologie nous conduit ainsi à concevoir l’âme individuelle comme une unité, non pas simple, mais infiniment complexe. À chaque cellule, à chaque atome du corps, répond un atome de volonté, et même de sensation, puisque la volonté ne peut être séparée de la sensation ; ce qu’embrasse la conscience n’est que la résultante de toutes ces volontés, de toutes ces sensations élémentaires. C’est pourquoi une représentation, par exemple, qui, pour le psychologue, est un assemblage de sensations simples, peut être considérée par le physiologiste, qui la voit objectivement, comme l’excitation simultanée de milliers de cellules, comme le mouvement de millions d’atomes. L’âme individuelle est donc, comme l’âme sociale ou nationale, une âme complexe ; elle est une néanmoins parce que les âmes inférieures qui la composent conspirent ensemble et forment une sorte d’organisme, dont les parties, tout en se développant, restent solidaires les unes des autres. L’âme est une dans le sens où le corps est un ; car l’âme dans ce système n’est autre chose que le corps considéré du point de vue intérieur.

Cette unité de l’âme et du corps, cette correspondance exacte, cette presque identité des atomes psychiques et des atomes physiques nous ramène à une question que nous avons abordée dans l’article précédent, à propos du concept de finalité, et dont nous avons alors ajourné la solution. Cette question est celle des rapports entre la causalité psychique et la causalité mécanique. Il n’y a pour M. Wundt qu’une véritable causalité, à savoir celle de la volonté, et c’est à une causalité de ce genre qu’il faudrait ramener le monde entier des phénomènes si l’on voulait en donner l’explication dernière. Quant à la causalité mécanique, c’est un concept hypothétique au moyen duquel nous essayons de ramener à l’unité les phénomènes objectifs qui se succèdent dans nos représentations. Il est vrai que, nos représentations étant la forme que prennent dans notre conscience les actions exercées sur notre volonté par d’autres volontés, la causalité mécanique exprime un ordre de phénomènes dont la cause, au sens métaphysique du mot, est psychique ; la causalité mécanique se subordonne donc à la causalité psychologique[1] Nous ne devons plus nous étonner maintenant que les phénomènes dont l’entendement saisit l’enchaînement mécanique, manifestent un ordre, une tendance à l’organisation dont une causalité aveugle ne saurait rendre compte. C’est

  1. Der mechanisinus der Natur ist in Wahrheit nur ein Theil des allgemeinen Zusammenhangs geistlger Causalität — Die mechanichse bleibt eine Unterform der geistigen Causalität. (Ethik., p. 407.)