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h. lachelier. — la métaphysique de m. wundt

la pensée peut-elle concevoir l’unité du monde des âmes individuelles ? Car il serait évidemment absurde de réduire l’univers à l’unité de l’âme individuelle ; mais, si les âmes sont multiples, la pensée ne peut renoncer à ramener à l’unité cette multiplicité.

L’unité de l’univers psychique peut être comprise par la philosophie de la volonté de deux manières différentes. On peut supposer comme Schopenhauer une volonté unique qui est le fond commun de toutes les volontés individuelles ; ou bien on peut admettre un nombre infini d’unités de volonté qui entrent en rapport les unes avec les autres, s’organisent et forment des unités, des touts de plus en plus compréhensifs, de plus en plus étendus. Nous savons déjà que la seconde hypothèse est celle que préfère M. Wundt. À la première hypothèse il fait deux objections principales : elle ne peut pas expliquer d’une manière satisfaisante l’origine des représentations, elle ne peut même pas nous donner un concept satisfaisant, intelligible de la volonté universelle qu’elle suppose. Pour expliquer la représentation avec l’hypothèse d’une volonté unique, il faudrait lui opposer des réalités multiples capables d’agir sur elle ou de résister à son action. Mais ces réalités, si elles sont capables d’action ou même de résistance, ne pourront être conçues que comme des forces, c’est-à-dire comme des volontés et dès lors il faudra renoncer à l’unité de la volonté universelle. Schopenhauer n’explique pas d’un autre côté ce que peut être cette volonté inconsciente, qui, dans le développement de l’univers, précède de loin la représentation, et même n’arrive jamais que d’une manière pour ainsi dire accidentelle à s’objectiver sous forme de représentation. Il nous est impossible de concevoir une volonté qui ne soit pas consciente ; or nous savons que la volonté ne peut devenir consciente qu’à la condition de s’opposer une matière de représentations. Le concept de volonté est donc, chez Schopenhauer, un concept vide, qui ne peut nous aider en rien à rendre intelligible l’univers. Si l’univers psychique se compose de volontés, force nous est de concevoir ces volontés sur le modèle de la nôtre, autrement nous opérons sur des mots dénués de sens. Or pour qu’une volonté soit, dès l’origine, accompagnée de conscience, c’est-à-dire de sensations et de représentations, il faut la mettre en rapport avec d’autres volontés qui réagiront immédiatement sur elle en même temps qu’elles subiront son action. L’hypothèse d’une pluralité primitive des volontés peut donc seule associer dès l’origine la représentation au vouloir, seule par conséquent elle nous donne un univers psychique intelligible.

Mais la raison ne peut s’arrêter à cette conception d’une multi-