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3o Enfin M. Wundt croit que la volonté seule peut donner au sujet l’unité qui en est le caractère essentiel. En effet les représentations n’ont pas par elle-même de continuité véritable, elles forment des groupes, des faisceaux dont les parties sont plus ou moins cohérentes, mais qui restent détachés les uns des autres. Seule la volonté, par l’action constante, toujours semblable à elle-même, qu’elle exerce sur les représentations, peut établir un lien entre ces faisceaux, et donnera la vie intérieure, avec la continuité, cette unité dont la conscience nous donne l’éclatant témoignage. Admettant même qu’il n’y eût pas de lacunes dans notre vie consciente, et que tous les groupes de représentations fussent fondus en un seul, on pourrait toujours se demander s’il existe jamais une continuité véritable entre des représentations, si une représentation peut être le prolongement, la continuation nécessaire d’une autre représentation, comme le mouvement effet est le prolongement du mouvement cause. Le caractère essentiellement qualitatif des représentations peut nous donner des doutes à ce sujet. Deux qualités ne se contiennent pas l’une l’autre comme deux quantités. Une qualité, comme le bleu, est, par rapport à une autre qualité, comme le rouge, quelque chose d’absolument nouveau ; et si le passage du mouvement, qui est la cause objective du bleu à celui qui est la cause objective du rouge, est intelligible, le passage du bleu au rouge est une succession de faits, mais non un passage intelligible et conforme au principe de raison. Donc, pour que les représentations soient liées les unes aux autres, et forment des touts, il faut qu’un principe supérieur s’applique à elles et communique à chacune d’elles quelque chose de lui-même.

Si une représentation contient par exemple un élément de vouloir qui va se développer dans une ou plusieurs autres représentations, alors chacune de ces représentations pourra être considérée comme la raison suffisante de la suivante. Seule la volonté peut donc réduire les représentations à des systèmes ou plutôt à un système dont toutes les parties se tiennent. La volonté est donc le vrai principe de l’unité de la vie consciente.

2o L’âme universelle.

Mais il ne suffit pas à la métaphysique psychologique de démontrer que la volonté est l’essence même de l’âme individuelle. Ce n’était là que la première partie de sa tâche. Après avoir déterminé le principe qui fait l’unité de la conscience individuelle, nous savons qu’elle s’est engagée à répondre à une seconde question : comment