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h. lachelier. — la métaphysique de m. wundt

I. — Le problème cosmologique.

Nous avons vu que l’entendement distingue dans les représentations objectives une forme (temps, espace) et une matière (la substance avec ses changements soumis à la loi de causalité). La métaphysique cosmologique se trouvera donc en présence de deux problèmes, l’un relatif à la forme abstraite, l’autre au contenu concret que renferme cette forme.

Si la raison considère le temps et l’espace, elle reconnaît bien vite qu’il est impossible de leur concevoir aucune limite ni dans le sens de l’infiniment grand, ni dans le sens de l’infiniment petit. À un espace, à un temps donné on peut toujours ajouter par la pensée des parties nouvelles, et d’autre part si petite que soit une portion du temps et de l’espace, on peut toujours par l’imagination la subdiviser encore. Aussi tous les métaphysiciens et tous les savants sont-ils d’accord pour reconnaître que notre pensée ne peut pas s’affranchir de l’idée de la possibilité d’un progrès à l’infini, aussi bien dans l’analyse des parties de la durée et de l’étendue que dans leur synthèse. D’un autre côté, comme ce progrès, sans repos et sans fin, répugne au besoin d’unification, de systématisation, qui est le fond de notre pensée, nous nous efforçons toujours de concevoir l’univers, aussi bien au point de vue de l’étendue qu’à celui de la durée, comme un grand tout, comme un tout infini dans le double sens de l’extension et de la division. Mais nous ne devons pas oublier que, si nous considérons la forme abstraite et vide du monde, ce tout infini ne saurait être réalisé, car il arrêterait alors, chose inconcevable, le progrès de notre esprit dans l’addition des parties du temps et de l’espace ou dans la division de leurs éléments. Ce tout est donc une sorte d’idéal, qui demeure purement imaginaire, tant que nous restons dans le domaine de l’abstrait, mais qui peut-être, dans le domaine du concret, est progressivement réalisable.

La question est donc de savoir si, dans l’ordre du concret, c’est-à-dire de la matière et du mouvement, la raison pourra réussir à arrêter le progrès à l’infini dont nous avons parlé et à former des touts nettement délimités. M. Wundt croit pouvoir répondre affirmativement. En effet, étant donnée sa théorie de la connaissance, aucune nécessité logique ne contraint la pensée d’appliquer à la matière et à ses changements successifs ce qu’elle est forcée de considérer comme vrai pour le temps et l’espace abstraits. Ainsi l’espace ne peut avoir de limites intelligibles, mais on peut fort