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g. sorel. — contributions psycho-physiques

Tout le monde connaît les discussions qui se sont élevées entre les hypnotiseurs : les diverses écoles se jettent à la tête des quantités d’expériences ; beaucoup de ces prétendues preuves ne soutiennent même pas l’examen. Des savants de premier ordre se sont laissé prendre et ont été dupés par des apparences fallacieuses. Le scepticisme de Magendie est bien pratique. Les adversaires de Fechner, par suite de leurs préoccupations, ont donc pu rendre de grands services à la psycho-physique, en éloignant toutes les expériences douteuses et en forçant l’école rivale à procéder à des vérifications nécessaires.

Nous concédons volontiers que la loi de Weber n’est pas vraie en général ; nous croyons que la preuve est faite sur ce point et nous estimons que cette proposition négative constitue un immense progrès. Ce n’est pas la première fois que des objections faites à des novateurs leur ont permis de dégager leurs principes. Le même phénomène s’est produit à l’origine de la mécanique céleste : Newton n’avait pas osé rompre ouvertement avec la tradition et affirmer la théorie de la gravitation ; ses disciples furent amenés, par les nécessités de la discussion, à aller plus loin que lui.

Nous tirons des expériences faites par nos adversaires la loi suivante :

« Les formules psycho-physiques sont spécifiques, non seulement en raison des sens mis en jeu, mais surtout en raison du genre des représentations. »

Au point de vue esthétique, cette théorie a des conséquences très importantes : il n’est plus possible de supposer qu’il y ait une science unique des sentiments, permettant de rattacher l’idée du beau à quelques théories générales. L’étude de la musique va venir confirmer notre manière de voir.

Longtemps on a regardé la musique comme le type des beaux-arts : l’oreille est l’organe sensorielle plus parfait, le plus fin, le plus susceptible d’éducation et de perfectionnement ; tous les éléments objectifs sont, de plus, susceptibles de définitions précises et d’une étude physique complète.

Cependant on reconnaît, assez facilement, que la musique occupe une place à part ; son isolement dépend, à la fois, des propriétés objectives des sons et des lois de la sensation.

La musique ne s’occupe pas de toutes les manifestations acoustiques ; elle ne retient que celles où l’on trouve des vibrations régulières. Elle n’ordonne pas les phénomènes dans un continu, mais elle procède par sauts ou par intervalles. On ne trouve aucune analogie entre la musique et l’optique : on ne peut parler de la gamme des