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On a prétendu que le principe de la méthode était contraire aux règles les plus élémentaires d’une sérieuse investigation scientifique ; que l’on s’exposait à d’étranges mécomptes, en essayant de relier par une formule les deux extrémités d’une chaîne, très variable dans sa composition ; qu’il fallait reconnaître, au moins théoriquement, que les lois sensorielles dérivaient de celles du processus physiologique. Sous ces réserves, on voulait bien admettre la psycho-physique comme un ensemble de recherches empiriques, utiles pour certains arts, mais sans valeur philosophique.

D’autres sont venus défendre la loi symbolique par des arguments tirés des lois de la conduction nerveuse ; c’était un véritable contresens.

La nouvelle science a fait faire un grand progrès en posant le problème psychologique d’une manière autonome. La description donnée par Wundt ressemble singulièrement à un roman ; rien de tout cela ne peut être vérifié, rien ne peut être calculé, rien n’est mesurable. Le corps extérieur agit sur les sens (comment ? premier mystère) ; son mouvement se transforme en quelque chose d’inconnu et d’indéfinissable, l’excitation sensorielle (qui ressemble à l’espèce impresse des docteurs scolastiques) ; puis vient une deuxième transformation : le sens envoie une impulsion à un centre et là se manifeste un dernier processus (qui rappelle un peu l’espèce expresse).

Rien ne peut être saisi et étudié d’une manière scientifique ; on voit facilement que cette exposition est formée d’éléments empruntés à la doctrine du moyen âge, fondus avec les idées courantes sur l’âme. Le petit dieu cartésien étant assis dans le cerveau, comme un Bouddha dans une pagode, il faut bien que le sens n’achève pas l’opération et qu’il télégraphie à son seigneur : c’est dans le temple que s’accomplit la sensation.

Nous ne voyons pas comment on pourrait écrire autre chose que des romans sur un thème de ce genre. La psycho-physique ne s’égare point dans la région des hypothèses ; elle saisit deux choses parfaitement définies, la réalité objective et le jugement que nous formons.

Il n’est pas exact de dire que nous fermons volontairement les yeux sur la chaîne, pour n’en saisir que les deux bouts, que nous négligeons le processus physiologique, en désespoir de pouvoir l’étudier sérieusement. La psycho-physique ne touche pas à cette chaîne ; elle n’en connaît pas plus les extrémités que le milieu ; elle ne connaît que des choses complètement étrangères à la physiologie,

    l’excitation cardinale, qui paraît avoir une certaine importance pour l’étude des émotions. (Wundt, Éléments, etc., t.  I, p. 530)