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ANALYSES ET COMPTES RENDUS


Henri Bergson. Essai sur les données immédiates de la conscience. Paris, Félix Alcan, 1889, in-8o, 1 volume de la Bibliothèque de philosophie contemporaine, viii-182 pages.

« Essai sur les données immédiates de la conscience » : le titre est modeste, mais le livre aborde en réalité un des plus importants problèmes de la psychologie et de la métaphysique. Après tant d’autres. M. Bergson a été attiré par l’énigme du libre arbitre, cette vexata quæstio de la philosophie. Mais, au lieu de prendre rang parmi les défenseurs ou les adversaires de la liberté morale, il a eu l’idée originale d’examiner l’énoncé même du problème, et de voir s’il n’impliquait pas contradiction. M. Bergson essayera d’établir que la discussion entre les déterministes et leurs adversaires suppose un postulat auquel ni les uns ni les autres n’ont fait attention jusqu’ici, et qui suffit néanmoins à fausser leur argumentation. Tous confondent, sans y prendre garde, « la durée avec l’étendue, la succession avec la simultanéité, la qualité avec la quantité ». Pour dissiper cette confusion, il importe de dégager « les données immédiates de la conscience ». Ces données nous sont masquées par les symboles sous lesquels nous nous les représentons. Nous concevons nos états de conscience comme se juxtaposant dans le temps (et cela est presque inévitable, dès que nous les distinguons nettement les uns des autres, que nous leur donnons des noms, et que nous en faisons des sortes d’unités qui se nombrent, s’associent et se dissocient). — Mais en les juxtaposant ainsi dans le temps, nous les transposons involontairement dans l’espace (car le temps homogène n’est que de l’espace), et dès lors le déterminisme apparaît inévitablement. En un mot, de même que les sophismes de l’école d’Elée étaient insolubles pour les anciens, parce qu’ils croyaient le mouvement décomposable comme l’espace ; de même, le problème de la liberté apparaît, et demeure insoluble pour les modernes, tant que le temps est conçu comme un milieu homogène où se disposent des états de conscience, numériquement distincts les uns des autres. Telle est, dans ses termes essentiels, la thèse que M. Bergson soutient avec toutes les ressources d’un talent aussi souple que vigoureux. On en voit assez l’importance et l’originalité. Ce n’est rien moins que l’Esthétique transcendantale de Kant, reprise et critiquée au nom de la psychologie, et