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L’HISTOIRE DE LA PHILOSOPHIE EN ESPAGNE


La plupart des erreurs qui ont cours dans le monde viennent de l’abus ou du mauvais emploi des mots usuels. À force de les répéter machinalement, on s’en sert de confiance, comme d’une monnaie courante, sans considérer si les pièces en circulation ont le poids et le titre. C’est ainsi que, de très bonne foi, les hommes se trompent sans le vouloir. Ce qui aggrave le mal, c’est que d’une nation à l’autre, — car il faut bien tenir compte des frontières, en attendant la langue universelle de certains philanthropes, — ce qui aggrave le mal, c’est que, d’une nation à l’autre, les mots varient de signification, en dépit des grammairiens, à tel point que la confusion internationale du langage parlé et écrit n’est pas moindre que celle qui, suivant la légende, dispersa les ouvriers de la fameuse tour de Babel. Le mot philosophie, par exemple, avec ses congénères, philosophe, philosopher, philosophique, est un de ceux qui prêtent le plus à l’équivoque. Chaque peuple l’entend à sa manière, pour bien des raisons que fournissent la tradition, le climat, la race, les institutions et les mœurs, et, par-dessus tout, semble-t-il, l’aptitude ou l’inaptitude à philosopher.

C’est de tout cela que dépendent les idées que se font les hommes en général de ces mots courants qui désignent des choses qui ne sont pas très communes, ou du moins pas trop familières à la masse. Sans aller jusqu’au scepticisme de Pascal, « vérité en deçà, erreur au delà », peut-être ne convient-il pas de prendre au pied de la lettre l’apostrophe bien connue de Voltaire : « Il n’y a qu’une morale, monsieur Lebeau, comme il n’y a qu’une géométrie. » Sans doute il serait à souhaiter qu’il en fût ainsi ; mais les principes de l’ordre universel ou de la loi naturelle ne s’imposent pas à tous avec la même évidence que le système métrique des poids et mesures, lequel, bien que dérivé de la même source, n’a pas encore conquis tout le monde civilisé.

Le bon empereur Julien, en sa qualité de philosophe, se figurait