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h. lachelier. — la métaphysique de m. wundt

La pensée logique la crée en vertu du même principe que la science proprement dite, en vertu du principe de Raison ou de Condition, qui est en même temps, comme nous l’avons vu, principe de réduction à l’unité. M. Wundt propose cependant de distinguer par deux mots différents les hypothèses par lesquelles la science explique les faits et celles par lesquelles la métaphysique les rattache à leurs conditions dernières. Les hypothèses scientifiques sont des concepts de l’entendement, les hypothèses métaphysiques seront des idées de la raison. L’entendement et la raison ne sont d’ailleurs que deux fonctions de la même pensée logique, étudiant le même objet. Les idées de la raison seront, comme les idées de Kant, relatives à trois problèmes : le problème de l’unité des faits objectifs, problème cosmologique ; le problème de l’unité des faits subjectifs, problème psychologique, et le problème de l’unité totale de l’univers, problème ontologique.

Ces ressemblances extérieures avec la métaphysique kantienne ne doivent pas nous faire méconnaître les différences profondes qui séparent le système de M. Wundt de celui de Kant. Le principal reproche que M. Wundt fait à Kant, c’est d’avoir élevé entre l’objet de l’entendement et l’objet de la raison une barrière infranchissable ; les concepts de l’entendement s’appliquant aux phénomènes et les idées de la raison se rapportant à des choses en soi, inconnaissables, d’ailleurs. Sans doute les philosophes qui ont précédé Kant avaient eu le tort de ne pas distinguer assez nettement l’entendement de la raison ; mais Kant a versé dans un excès contraire, en croyant que l’entendement et la raison ont pour domaines deux mondes d’essence différente. Or, nous savons déjà que M. Wundt est l’adversaire déclara de toute philosophie de la chose en soi. L’entendement forme sans doute des concepts qui diffèrent des données immédiates des sens, mais ces concepts ne sont qu’une manière plus satisfaisante pour la pensée de considérer la représentation : ils ont leur objet dans la représentation, qui reste en somme la seule réalité. La pensée n’a jamais aucune raison sérieuse pour dépouiller la représentation de ce caractère de réalité, ni pour attribuer cette réalité à des idées hypothétiques, dont elle pourrait seulement affirmer qu’elles existent. La cosmologie transcendante n’aura donc pas un objet différent de celui de la cosmologie scientifique : l’objet reste le même, seulement, tandis que l’entendement se borne à expliquer les faits donnés dans l’expérience actuelle, la raison considère l’expérience possible et complète ainsi l’œuvre de l’entendement. Si la pensée n’a aucun motif pour rattacher le monde objectif à des choses en soi, à plus forte raison ne devra-t-elle pas chercher dans