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La psychologie. — La psychologie ayant affaire à un monde de faits subjectifs ne cherche rien au delà de ces faits : elle les prend tels qu’ils lui sont donnés dans l’intuition immédiate de la conscience, car elle est la science des intuitions immédiates subjectives et non des concepts objectifs. M. Wundt ne veut pas dire par là que la psychologie ne réduise à aucune idée générale les faits et les rapports de faits qu’elle étudie : il est bien clair en effet qu’une science sans idées générales ne serait pas une science. Mais le rôle des idées générales ou des concepts n’est pas le même en psychologie qu’en physique. En psychologie, les concepts servent uniquement à classer les intuitions et les rapports d’intuitions, jamais ils ne se substituent à ces intuitions. Ainsi les concepts de mémoire, de volonté permettent à notre esprit d’embrasser facilement d’un seul coup d’œil certaines catégories de phénomènes, mais ils ne remplacent pas ces phénomènes aux yeux du psychologue, comme le concept physique de la lumière ou de la chaleur remplace, aux yeux du physicien, la lumière et la chaleur sensibles. Malgré cette différence profonde qui sépare la psychologie des sciences de la nature extérieure, le but dernier que poursuit le psychologue reste comparable à celui que poursuit le physicien. Le principe de Raison ne perd pas ses droits dans la science de l’esprit. Les faits intérieurs doivent, comme les faits extérieurs, pouvoir être rattachés à leurs conditions suffisantes, et toutes les relations particulières de condition à conséquence doivent pouvoir être reliées les unes aux autres dans un système unique. Seulement, si nous comprenons bien la pensée de M. Wundt, l’unité du système psychologique n’est pas de même ordre que l’unité du système physique. L’unité des sciences physiques repose sur la possibilité de ramener tous les concepts et rapports de concepts particuliers à des concepts généraux qui dominent toute cette science, comme ceux de causalité mécanique et de substance dont nous allons parler. L’unité psychologique est formée, au contraire, suivant M. Wundt, par la réduction de tous les faits, de toutes les lois de la conscience à une activité, à une volonté qui intervient dans la production de tous les phénomènes intérieurs. En résumé, la raison dernière de toutes les lois physiques se trouve dans des concepts hypothétiques formés par l’esprit, la raison de toutes les lois psychologiques se trouve dans une activité vivante qui a une conscience immédiate d’elle-même. Le système physique a ainsi un caractère plus abstrait, plus logique, le système psychologique a un caractère plus concret, plus réel. Nous verrons que l’arrière-pensée de M. Wundt, c’est que le principe concret de l’unité psychologique doit finir par s’appliquer au monde entier, car le monde n’est qu’un élément, une partie de