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des rapports est donc, en somme, le caractère le plus important de la pensée. La pensée est par excellence une activité qui compare et établit des rapports (vergleichende und beziehende Thaetigkeit).

Ces rapports peuvent se ramener à deux types fondamentaux : l’identité et la « dépendance » (Abhaengigkeit), cette dépendance c’est le rapport de conséquence à condition ; de telle sorte que nos jugements peuvent tous se ramener aux deux formes essentielles suivantes : A est B et B est conditionné par A. Il est inutile de s’occuper des jugements négatifs, qui ne forment pas une classe indépendante. Ils expriment seulement, en effet, l’acte par lequel la pensée refuse d’accepter, soit un rapport d’identité, soit un rapport de conditionnalité. Il y a donc deux formes ou, si l’on veut, deux lois essentielles de la pensée. La première a pour formule le double principe d’identité et de contradiction. (M. Wundt pense, en effet, que pour saisir entre deux objets un rapport d’identité, il faut apercevoir non seulement les caractères identiques, mais encore les caractères contradictoires : on ne voit la ressemblance qu’à la condition de voir aussi la dissemblance.) La seconde loi trouve son expression dans un principe qui joue un rôle considérable dans la théorie de la conscience de M. Wundt, le principe de « condition » (Satz des Grundes), Toute condition étant une raison d’être, nous pourrons appeler ce principe le principe de Raison, d’autant plus qu’il ressemble fort au principe de raison suffisante de Leibniz.

Ces deux lois ne sont pas, comme on pourrait le croire au premier abord, des lois purement logiques[1]. Leur rôle est de diriger et de régler l’activité de la pensée non seulement lorsque, négligeant les rapports réels des choses, elle considère de simples rapports abstraits d’idées, mais encore lorsqu’elle s’applique à l’étude des faits d’expérience. Ainsi c’est en vertu du principe d’identité que nous pouvons saisir les ressemblances des choses, éliminer par abstraction toutes leurs différences et les amener ainsi à une identité qui n’est jamais donnée dans l’expérience et qui s’exprime dans le concept. C’est, de même, la loi exprimée par le principe de Raison, qui permet à notre pensée d’établir des rapports de condition à conséquence entre des phénomènes sensibles, par exemple entre les parties distinguées par abstraction d’un même tout, lorsque ces parties varient en même temps, de la même manière, dans le même sens. Soit par exemple un hexagone régulier inscrit dans un cercle : voilà un tout complexe que nos sens perçoivent en bloc, pour ainsi dire.

  1. Elles ont un caractère purement logique quand la pensée les applique à des combinaisons libres d’idées. Ainsi la déduction syllogistique est évidemment rendue possible par les principes d’identité et de raison.