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transcription graphique de ces directions, et pour rechercher s’il y a concordance entre le caractère esthétique des impressions ainsi obtenues et les réactions motrices individuelles, nous pourrions demander à nos correspondants de nous faire connaître leur procédé habituel de tracer une circonférence. Il y a en effet bien des manières, différentes et caractéristiques, de faire cette opération très simple, qui entre comme élément dans une foule de nos mouvements, et, en particulier, dans ceux que comporte la main qui écrit[1].

À ce dernier point de vue précisément, comme je pense qu’il y a des rapports étroits entre les caractères individuels du graphisme et les modes des réactions motrices générales, qui sont assurément des caractéristiques de la personnalité, nous demanderions en outre que chaque correspondant voulût bien joindre aux réponses du questionnaire quelques lignes d’écriture courante.

Peut-être la comparaison de ces divers éléments fournira-t-elle de curieuses indications.

En outre, parmi les caractères qui différencient nettement les individus, au point de vue psycho-physiologique, il faut compter au premier rang ce qu’on a nommé les erreurs personnelles et les illusions des sens. Ces erreurs, qui résultent de l’inégalité de la vitesse et de l’amplitude des réactions motrices aux impressions sensorielles sont certainement, en général, d’une mesure bien difficile ; mais quand il s’agit de celles qui sont sous l’influence dynamogénique ou inhibitrice de la direction, quelques observations très simples, et même d’un caractère attrayant, peuvent donner des renseignements déjà intéressants.

Dans ce but, chaque correspondant devrait donc déterminer, à l’œil, quatre points équidistants du point d’intersection de deux lignes se coupant à angle droit, ou encore, ce qui revient au même, limiter sur ces lignes le rayon d’un même cercle. La mesure des longueurs ainsi obtenues nous renseignerait sur le degré et le sens des erreurs individuelles, et ce renseignement, comparé à ceux qui précèdent, serait peut-être l’occasion de rapprochements intéressants.

Pour dire toute ma pensée, je crois qu’on pourrait ainsi obtenir un ensemble d’éléments très simples susceptibles de constituer une base à l’étude de l’écriture considérée dans ses rapports avec les caractères de la personnalité.

  1. Pour expliquer l’origine de l’habitude qu’on a de tracer une circonférence de telle ou telle façon, on invoque volontiers l’imitation et l’éducation. Mais j’ai rapporté (Revue scientifique du 9 décembre 1887, page 606) une observation qui prouve que l’éducation joue, dans cette habitude, un rôle moins important que celui qu’on lui attribue en général. Il s’agit d’un enfant de trois ans et demi auquel on faisait faire des ronds, et qui les dessinait toujours dans un sens absolument opposé au sens suivi par la personne qui lui avait tracé nombre de fois le modèle, même en lui tenant et en lui dirigeant la main. Dans ce cas, la main de l’enfant, abandonnée à elle-même, décrivait aussitôt un mouvement opposé à celui qu’on venait de lui imposer.