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voudrions-nous un peu plus d’abondance dans ses chapitres sur l’histoire de la morale ; mais, à y regarder de près, ce qui laisse ici à désirer, c’est plutôt la coordination que la matière des renseignements.

Quant aux qualités pédagogiques, il nous semble que l’ouvrage en réunit un certain nombre. Les coupures y sont assez fréquentes sans l’être trop, et, de ce chef, le livre est typographiquement et même intellectuellement assez clair. Pour parler de qualités moins extérieures, nous remarquerons d’abord que l’auteur s’est très bien tiré d’une difficulté que rencontreront tous ceux qui, comme lui, écriront des livres de morale pour l’enseignement spécial. Il y a pour cet enseignement deux cours de morale, l’un en quatrième année, l’autre en sixième. M. Thomas a très bien compris qu’il ne fallait pas que ces deux cours fussent la répétition l’un de l’autre. Dans le moins élevé les principes seront supposés et les devoirs en seront déduits dans le détail. Dans le plus élevé, objet du présent livre, il s’agit d’établir les principes eux-mêmes et c’est pourquoi l’auteur a pris pour titre Principes de Philosophie morale (Préf., p. v-vii). Mais ce qui mérite le plus d’être apprécié (et ce qui l’est déjà, nous dit-on), par les professeurs et par les élèves, ce sont les éclaircissements très abondants, et, d’ordinaire, très bien choisis dont chaque leçon est suivie. L’auteur avait dans la Science de la Morale et dans l’Esquisse d’une classification des Systèmes, une mine où il a su puiser. Faut-il dire, après cela, que nous aurions préféré un style plus constamment soigné (mais il semble, à en juger même par certains indices typographiques, que la rédaction du livre a dû être menée un peu plus vite que ne l’aurait désiré l’écrivain, s’il n’avait jugé opportun de le faire paraître sans retard) et que l’exposition aurait pu, à nos yeux, être plus foncièrement claire ? Ce dernier point tient déjà à la question de doctrine.

M. Thomas déclare qu’il appartient à l’école criticiste et que son ambition serait de n’être pas désavoué par le principal représentant de cette école (Préf., fin). S’inspirant de M. Renouvier, il expose une fois de plus, et fort bien, cette belle théorie de la liberté qui est la principale pièce et la vraie raison d’être du nouveau criticisme ; puis, traite, avec une abondance d’idées et une franchise dont la Science de la Morale nous a donné le modèle, les divers problèmes de la morale appliquée. Les chapitres sur la famille et sur la propriété nous ont paru surtout animés d’un bon esprit. L’auteur y a exprimé sa pensée très simplement, au lieu d’affecter un ton dégagé et mondain qu’il n’est peut-être pas très difficile d’attraper et qui pourrait passer, sans injustice, pour assez vulgaire. La dernière partie du livre, qui a trait à la religion naturelle, nous paraîtrait aussi fort acceptable, si la question de Dieu y était traitée après celle de l’ordre du monde au moment où il s’agit de rechercher le dernier fondement de cet ordre. Le cours de quatrième année, paraît-il, a déjà fourni à l’auteur l’occasion d’aborder ce sujet. Il eût peut-être été bon de le reprendre ici.