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puissance et cette impuissance ». Il n’hésite plus à accepter cette sorte de miracle, l’idée de la liberté, qui, se concevant, se réalise, et se réalisant, se conçoit. « Par idée-force, nous dit-il encore, p. 222. il faut entendre ce surplus de force qui s’ajoute à une idée par le fait seul de la conscience réfléchie, et qui a pour corrélatif, physiquement, un surplus de force motrice. Le surplus de force est le résultat de la comparaison de cette idée avec les autres idées présentes dans la conscience. Cette confrontation des idées, cette sorte de pesée intérieure suffît à faire monter les unes et descendre les autres. » Telle serait la puissance qui ferait échec à l’hérédité. Je laisse juge le lecteur. Il serait malséant de discuter en quelques lignes une théorie considérable, longuement élaborée. Elle prétend, si je ne me trompe, et c’est le point qu’il nous suffit d’indiquer, à résoudre ce problème universel, qui affecte dans la vie psychique une forme spéciale : — comment il se produit dans le monde quelque chose de nouveau.

De toute façon, l’évolution humaine résulte d’un ensemble de faits qui gouvernent aussi l’éducation des hommes. La même influence qui agit sur l’enfant a façonné d’abord ses éducateurs : c’est toujours le conflit de la loi individuelle avec la loi sociale. Ainsi l’on peut expliquer ce fait frappant, que deux sortes de sujets échappent presque entièrement à l’éducation : ceux qui s’écartent le plus de la moyenne dans l’un ou dans l’autre sens, c’est-à-dire ceux qui sont décidément bons ou mauvais, intelligents ou sots. On serait porté à dire qu’ils sont des sujets à hérédité forte, tandis que les autres seraient des sujets à hérédité faible. Mais ce n’est qu’une apparence. L’éducation, en effet, quand elle s’applique à ces derniers, collabore avec l’hérédité elle-même ; et si elle n’a d’action efficace que sur les natures moyennes, selon l’expression très juste de M. Ribot, c’est en vertu de cette loi du retour à la médiocrité, qui fait que l’éducation, nécessairement « moyenne », trouve alors un sujet chez lequel l’hérédité agit dans le même sens.

Cette considération serait de grande importance dans l’enseignemens public. M. Guyau, expert en cette matière, a des pages excellentes qu’il faut lire. Il écrit, il est vrai, dans sa préface, que l’éducation devrait a aider l’hérédité dans la mesure où elle tend à créer au sein d’une race des supériorités durables, et la combattre lorsqu’elle tend à accumuler des causes destructives de la race même ». Mais il ne faudrait pas l’accuser pour cela d’avoir voulu produire artificiellement des hommes exceptionnels. Il n’eût pas hésité, je pense, à critiquer avec nous l’erreur à la mode, qui consiste à vouloir former par l’école primaire, et surtout par l’enseignement secondaire,