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des méthodes plus parfaites lui ayant permis de traiter les groupes comme de simples unités. Un premier problème est relatif à la curieuse régularité que l’on observe dans les particularités statistiques des grandes populations, la taille, par exemple, durant une longue série d’années. Un second problème concerne la moyenne contribution de chaque ascendant, pris à part, dans les traits particuliers du rejeton ; un troisième, la définition précise de la plus proche parenté, à savoir de combien un frère est plus proche qu’un neveu, un neveu plus proche qu’un cousin, etc.

Il nous faut rappeler très brièvement en quoi consistent les méthodes de M. Galton. Elles permettent, nous venons de le dire, de considérer comme des unités les groupes familiaux et nationaux, avec lesquels la science de l’hérédité, déclare l’illustre savant, a plus à faire qu’avec les individus. Cela signifie que nous devons pouvoir exprimer les résultats numériques fournis par des mesures individuelles, de telle façon qu’ils nous donnent les valeurs moyennes pour chaque qualité dans un groupe (ce qui est l’ABC de la statistique), et qu’ils nous montrent aussi comment une qualité se distribue entre les membres d’un groupe donné, c’est-à-dire quelle place occupent, par rapport à la moyenne, les individus et partant les groupes qu’ils forment ensemble. Il importe peu, nous dit M. Galton, de savoir que le revenu moyen des familles anglaises est de cent livres par an ; mais nous avons le plus grand intérêt à connaître comment ce revenu est réparti entre les familles. Donc, avec les résultats numériques, et par un procédé qu’il serait trop long d’exposer ici, il construit ce qu’il appelle des schèmes, schèmes de distribution et de fréquence, schèmes de déviation ; en d’autres termes, il traduit les données de la statistique en des courbes diverses qui sont comparables l’une avec l’autre et qu’on peut traiter par le calcul.

Le schème de déviation est tout à fait remarquable. Il permet d’appliquer aux mesures humaines la loi de l’erreur probable, ou loi des chances, bien connue en mathématiques, et particulièrement employée en astronomie. Dans les problèmes de l’hérédité, cette loi nous mettrait à même de calculer la chance qu’il y a que tel ou tel résultat se produise, lorsque les particularités individuelles que l’on observe sont dues à l’influence combinée d’une foule d’accidents ; elle apporterait ainsi l’ordre dans le désordre, elle serait la loi suprême de la déraison, écrit M. Galton, ému pour la statistique d’un enthousiasme qu’il ne déguise point. La loi des chances s’appliquerait partout, et l’on serait autorisé à parler, en hérédité, d’une « variabilité normale ».