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l’alcool : les alcooliques qui sont de simples héréditaires, des fils de buveurs, et ceux qui sont des héréditaires dégénérés.

Les héréditaires simples nous montrent l’hérédité similaire, la reproduction du semblable par le semblable. Ils se rencontrent dans les asiles, d’après la statistique de M. Legrain, dans la proportion de deux tiers à peu près (v. p. 58). Les dégénérés nous montrent l’hérédité par transformation, la reproduction du dissemblable. Chez eux, l’alcoolisme est le produit, par transformation, d’influences névropathiques héréditaires. L’alcool a servi de « pierre de touche » pour les reconnaître. « Quand il agit, écrit Magnan, sur un terrain préparé, sur un nerveux, sur un prédisposé à la folie, non seulement les signes révélateurs de son action spéciale se trouvent profondément modifiés, mais encore il laisse apparaître au grand jour les défectuosités mentales restées parfois latentes jusqu’alors à la faveur d’une hygiène régulière : l’alcool joue donc ici le rôle d’une cause occasionnelle, d’un appoint. » Chez l’alcoolique simple, qui est à peu près sain, supprimez l’alcool, vous supprimez les accidents cérébraux ; mais l’alcool n’est qu’un épisode dans l’existence de l’homme taré. La cause profonde, lointaine, chez lui, c’est l’hérédité : il en tient une moindre résistance à l’attrait de l’alcool et aux effets désastreux de ce poison, et l’alcool a fait saillir à son tour les marques de la tare héréditaire.

Si nous assistons à l’évolution qui mène de l’héréditaire simple au dégénéré maximum, nous voyons en effet que les différences du délire dans les diverses catégories portent sur l’évolution du délire même (modifications dans la durée des différentes périodes d’incubation, d’état et de régression), laquelle dépend du degré de dégénérescence des malades ; mais elles portent encore sur la couleur des idées délirantes, qui dépend de la nature de la prédisposition : un héréditaire de mélancolique donnera à son délire alcoolique une couleur particulièrement triste. Très souvent l’alcool provoque, chez les débiles à hérédité puissante, des accident très variés, qui sont, pour un certain nombre, l’écho d’accidents analogues observés chez les parents. On aura profit à consulter dans l’ouvrage même, sur ce point important, les tableaux cliniques dressés par M. Legrain.

Une autre question se présente. Comment naît un terrain de dégénérescence ? comment se forme une disposition morbide ? Citons ici une demi-page, pour ne rien changer à la phraséologie de l’auteur. « Nos malades peu tarés, écrit-il, arrivent finalement, par l’accumulation sans cesse croissante de leurs excès, à se créer un état mental en tout comparable à celui de nos dégé-