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REVUE GÉNÉRALE.récents travaux sur l’hérédité

tempérament, d’une nouvelle constitution, d’un terrain commun à tous les membres d’une même famille. »

Étant donné un alcoolique, on est conduit à se demander : quels sont ses générateurs ? quels sont ses fils ? On a beaucoup écrit sur la descendance des alcooliques ; mais la première question, concernant l’hérédité ascendante des buveurs, est relativement neuve. C’est celle-là que M. Legrain a choisi de traiter. Il y procède en comparant les accidents alcooliques chez le prédisposé et chez l’homme indemne de toute tare. Les accidents, remarque-t-il, n’étant pas les mêmes dans les deux cas, il s’agit de savoir si l’influence de l’hérédité est la cause de cette dissemblance, et, si elle en est la vraie cause, en quoi consiste cette influence, quels en sont les indices révélateurs, etc. Force nous est, on le pense bien, d’abréger beaucoup son travail dans notre analyse, et il nous faut même le recomposer en quelque sorte, très rapidement, de façon à faire ressortir les faits qui nous intéressent le plus. Entrons en matière tout de suite.

On connaît l’aphorisme de Lasègue : « Ne boit pas qui veut. » Venturini est allé plus loin, trop loin : il veut que tous les sujets qui commettent des excès de boisson soient des dégénérés. M. Legrain est plus sage, il fait le départ des buveurs inconscients et des buveurs conscients. Les inconscients sont des gens normaux, qui boivent par habitude, par imitation, parce qu’ils ignorent les dangers de l’alcool ; quelquefois ils sont les victimes de conseils pernicieux, ils sont abusés par les prétendus bons effets de ce poison. Ils s’empoisonnent donc lentement, mais sûrement, sans qu’il soit possible de leur imputer la responsabilité morale de leurs excès. Ces individus sont rares, en vérité, aujourd’hui surtout, et dans les grandes villes, mais il en existe. Les sujets qui s’intoxiquent sciemment sont de beaucoup les plus nombreux. Ceux-ci sont tous des prédisposés, des irréguliers au point de vue mental. « Le buveur conscient de ses excès, et par conséquent responsable, est un déséquilibré, il est porteur d’une tare intellectuelle, qu’il soit entraîné à boire par une anomalie du penchant, ou par une anomalie de l’instinct, ou par une anomalie de la volonté. »

Les premiers, les buveurs sains, nous présentent, au moins à leurs débuts, l’ « ivresse simple » ; les seconds, les buveurs tarés, l’ « ivresse compliquée ou pathologique ». Mais cette ivresse pathologique prend toute sorte d’aspects. Nous passons, avec nos tarés, du délire alcoolique normal au délire anormal ; nous passons du sujet le moins touché au plus touché, du buveur à l’alcoolique, de l’alcoolique au dégénéré. Bref, on peut les distribuer en deux classes assez tranchées, en considérant leur réaction différente en face de