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nisme n’est pas seulement sous l’influence façonnante de ses fonctions, qu’il n’est pas uniquement le produit du martelage extérieur, et surtout qu’il n’est pas le survivant d’une foule de compétiteurs malheureux, mais l’expression d’une fatalité interne, qui n’a plus rien de mystique et peut s’exprimer en termes de la constitution chimique dominante. »

On n’entendrait pas parfaitement cette théorie, ou du moins on n’en comprendrait pas toute la portée, si l’on n’avait présente à l’esprit cette considération première, où s’appuient MM. Geddes et Thomson, — que l’espèce doit être prise pour unité, et non plus l’individu, comme les théories sélectionnistes ont toujours eu une tendance à le faire. Elle n’est pas sans attaches avec l’idée générale des « possibilités de l’évolution », pour employer leur langage, et plus particulièrement du progrès de l’espèce humaine[1]. Mais ceci est hors de notre sujet. Il nous faut reprendre, en étudiant cette fois l’hérédité dans les maladies, ce problème de la transmission des caractères acquis, sur lequel l’embryologie reste impuissante à jeter beaucoup de lumière[2].

La pathologie nous parle plus nettement. Elle affirme l’hérédité, parce qu’elle saisit cette loi en gros, dans ses effets apparents. On se pourra d’ailleurs assurer, en lisant le livre de M. Legrain, que cette affirmation se fonde sur une critique des faits exacte et minutieuse.

L’hérédité, écrit M. Legrain, est un des « facteurs pathogéniques » les plus puissants. « Cette notion étiologique doit trouver sa place dans l’histoire de toutes les maladies, quelles qu’elles soient, même dans celles où le rôle de l’hérédité paraît devoir être tellement effacé, qu’il semble plausible de n’en pas parler. » Voilà une déclaration très large. Il la précise et l’explique. « L’influence de l’hérédité, ajoute-t-il, n’est pas seulement directe ; elle ne se manifesta pas seulement par la reproduction du semblable par le semblable, mais, de génération en génération, elle s’accumule, s’adjoint de nouveaux éléments, et aboutit finalement à la création d’un nouveau

  1. MM. G. et Th. se rangent à la doctrine, soutenne par Littré et par nous-même, qui rattache l’égoïsme aux besoins de la conservation, l’altruisme aux besoins de la reproduction. — L’histoire des espèces, font-ils remarquer, nous conduit de la vague attraction sexuelle des organismes inférieurs à l’amour que nous trouvons chez l’homme moyen. Pourquoi la moyenne humaine ne s’élèverait-elle pas au niveau du poète et de l’héroïne ? N’est-ce pas une possibilité de l’évolution que ces fruits rares deviennent plus communs dans l’avenir ?
  2. Nous avons à signaler, depuis que cet article a été écrit, une conférence de M. William Turner sur l’hérédité, publiée dans la Revue scientifique du 1er fév. 1890.