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REVUE GÉNÉRALE.récents travaux sur l’hérédité

l’organisme individuel qui les présente, et ne se transmettent pas. Il fonde son scepticisme à l’égard de la croyance commune, à la fois sur l’absence de faits qui la justifieraient et sur l’impossibilité que des changements produits dans le corps sous l’action du milieu puissent réagir sur les cellules reproductrices. La position de Weismann est sûre, si l’on reconnaît cette impossibilité. Et en effet, écrivent nos auteurs, quoique en un système saturé d’alcool, ou transporté sous un nouveau climat, les cellules reproductrices puissent varier en même temps que le corps, aucune modification de nerf ou de muscle ne peut, comme telle, être transmise par hérédité. Bref, ils concéderaient à Weismann que le plasma germinatif reste isolé de quelque manière et poursuit une vie « charmée », soustraite aux troubles extérieurs. Mais une preuve décisive manque. « La distinction entre des caractères acquis et des caractères inhérents au germe est plus facile à faire sur le papier qu’à vérifier dans la pratique. » Puis il faut bien le dire, cette vie « charmée » de l’un des systèmes semble « un véritable miracle physiologique », si l’on regarde à l’unité réelle de l’organisme.

Quant à la doctrine de l’évolution, nos auteurs font remarquer, avec Weismann, que si les caractères individuels acquis ne sont pas transmissibles, ils ne comptent donc pas dans l’évolution de l’espèce. Les « circonstances » sont indifférentes ; la lutte pour la vie devient le facteur exclusif dans la destinée des espèces. Mais qu’est-ce qui produit alors ces variations que, suivant les cas, la sélection élimine ou fortifie ? Le mélange des éléments sexuels dans la fécondation, pense Weismann, est la seule source de variations ; ce qui ne s’actîorde guère avec le dire du même auteur, que l’action du sperme sur l’œuf est quantitative plutôt que qualitative[1] MM. Geddes et Thomson font valoir, eux, la prédominance, dans l’évolution, des activités spécifiques, ou reproductives, sur les activités individuelles, ou nutritives. Ils ne se croient pas tenus à prendre la position des sélectionnistes ; ils pensent qu’on peut démontrer que certaines [adaptations au moins ne sont pas explicables par la longue sélection parmi une foule de résultats sporadiques des mélanges sexuels, mais qu’elles sont plutôt les résultats directs et nécessaires de « lois de croissance », ou de « tendances constitutives », ou de la nature chimique précise du métabolisme protoplasmique dans les organismes considérés. « Nous pouvons penser, écrivent-ils, que l’orga-

  1. La part des éléments sexuels mâle et femelle demeure obscure. L’expulsion des globules polaires, discutée par tous les auteurs, aurait, d’après MM. G. et Th., une signification nutritive ; un produit catabolique serait expulsé de l’œuf. L’œuf se divise, comme toute cellule, à la limite de sa croissance.