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conséquent l’espérance d’atteindre le fond des choses ne doit point lui être contestée. C’est à tort que les positivistes ont renoncé à la question de l’essence des choses : elle est bien du ressort de la science, dès qu’on la débarrasse des obscurités et des complications dont on l’a gratuitement enveloppée.

II

Pour donner satisfaction à la pensée, il faut aussi expliquer les choses dans leur existence. Par quoi et pourquoi sont-elles ? — Ici encore, il importe d’écarter de faux problèmes, qui ne tendraient à rien moins qu’à faire chercher l’explication de ce qui est par définition essentiellement inexplicable. Ainsi, nous admettons qu’il y a dans les choses des éléments indéterminés et indéterminants, des éléments absolus, libres. C’est la conséquence de notre croyance à des éléments irréductiblement différentiels. Par quoi voudrait-on faire déterminer le différent ? Par une cause différente, assurément, puisque tout est différent pour lui. Or cette cause, en tant que différente, serait justement incapable d’expliquer ce qui le caractérise, donc ne serait pas une cause. Quel effet voudrait-on assigner au différent ? Un effet différent sans doute ; orle principe de causalité s’y oppose encore. Il y a donc de l’imprévu et de l’imprévisible, de l’ex nihilo et du pro nihilo. Et comment pourrait-il être question pour ces éléments d’une explication quelconque ? Le problème est contradictoire, ce n’est encore qu’un pseudo-problème, pour la métaphysique aussi bien que pour la science, et nous n’avons pas à nous en occuper. Au contraire, pour tout ce dont l’existence doit s’expliquer, la science peut se déclarer compétente : au point de vue de l’existence, aussi bien qu’au point de vue de l’essence, il n’y a point de véritable problème qui soit logiquement insoluble par elle.

La science suffit d’abord pour ce qui concerne la cause et la fin des choses considérées individuellement. — En quoi aurions-nous besoin d’aller chercher la cause d’un fait en dehors du monde phénoménal ? Le fait qui disparaît n’explique-t-il pas le fait qui apparaît dans la mesure où celui-ci peut être expliqué ? Considérons que, dans le monde phénoménal, il y a un fond de ressemblance qui persiste d’un fait à un autre, un élément permanent à côté d’un élément d’instabilité, et nous n’aurons pas de difficulté à comprendre l’existence d’un rapport de causalité dans la succession des faits. Ce n’est pas seulement un rapport de liaison constante qui doit résulter de cette permanence, c’est un rapport de liaison nécessaire. Le fait disparu devant se retrouver partiellement dans le fait qui le remplace, comment le