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A. FOUILLÉE.l’évolutionnisme des idées-forces

enveloppant toujours à un degré plus ou moins grand quelque sentiment de soi et quelque perception des limites qu’il rencontre, enveloppe par cela même une représentation possible, une idée possible, où se posent l’un devant l’autre le sujet et l’objet. L’idée est la conscience claire de la force et de ses rapports avec les autres forces ; elle en est la forme supérieure, à la fois intellectuelle et impulsive : elle est vraiment idée-force.

III. — Importance de la question des idées-forces en morale.

Quelle est la portée non plus seulement métaphysique, mais encore morale et pratique, de la conception par nous proposée, qui introduit dans l’évolution les facteurs d’ordre mental ? Si tout est déterminé dans un cas comme dans l’autre, si tout évolue selon des lois, importera-t-il pratiquement que le ressort de l’évolution soit physique ou psychique ? Aura-t-on une idée théorique plus exacte du monde et de son déterminisme sans que la liberté, la moralité ou tout ce qui s’en rapproche y aient acquis plus de réelle influence ?

I. — Autre chose, moralement comme théoriquement, est un évolutionnisme à ressort mental, autre chose un évolutionnisme à ressort purement mécanique. En premier lieu, un évolutionnisme qui reconnaît que les idées et les sentiments sont des facteurs, de l’évolution introduit dans le déterminisme un élément de réaction sur lui-même : l’influence de l’idée. En effet, l’idée ne correspond pas seulement à ce qui a été et qui n’est plus, mais encore à ce qui n’est pas et qui sera. Or, la volition consiste d’abord dans la détermination d’un acte par l’idée d’une chose qui sera ; mais cette définition est encore incomplète, et il faut ajouter : la volition consiste dans la détermination d’un acte par l’idée d’une chose qui sera par nous, qui n’existera que par notre action consciente, par l’idée même et le désir que nous en avons. Si bien que l’idée de l’efficacité des idées entre comme élément nécessaire dans toute volition. C’est donc faire le sophisme paresseux que de dire : « À quoi bon avoir l’idée de ce qui se passe ou se passera, si tout ce qui doit se passer est déterminé d’avance ? » — L’idée, répondons-nous, modifiera psychiquement ce qui se passe, et les mouvements cérébraux corrélatifs de l’idée modifieront physiquement ce qui se passe. De plus, comme en fait nous ne connaissons pas d’avance l’avenir, notre idée de ce qui peut être par nous, surtout de ce qui doit être par nous, sera elle-même un des facteurs de cet avenir.