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A. FOUILLÉE.l’évolutionnisme des idées-forces

même courant, un seul et même changement qui a lieu dans le temps et qui, par cela même qu’il n’est pas solitaire, mais aidé ou favorisé par d’autres changements simultanés, finit par prendre pour nous la forme de l’étendue. On a donc tort de couper artificiellement notre être en deux portions : 1o une conscience avec son contenu ; 2o un corps supposé tout à part de cette conscience. D’un côté, mon corps ne m’est connu que comme fragment du contenu total de ma conscience, comme ensemble de signes perceptifs, parmi lesquels, au premier rang, sont les mouvements ; d’autre part, dans la réalité, mon existence corporelle et mon existence psychique ne sont ni séparées ni séparables. La volition et la motion sont donc un même processus, considéré ici du point de vue de la conscience, là du point de vue de la perception. La volition sans motion est un abstrait, mais la motion sans volition est également un abstrait, un simple signe pour la perception. Dans l’expérience intérieure, je me vois voulant, agissant, et agissant sur un milieu qui résiste ; je me vois, en un mot, faisant effort contre quelque chose ; or c’est là une volition concrète, une volition-motion à son premier stade, dont les mouvements figurés dans l’espace sont une répercussion ultérieure.

Le mental, avec son activité constante, se retrouve sous tous nos changements d’état physiologiques ; il y a seulement des cas où le mental sous-jacent aux changements de l’organisme retentit dans le cerveau et dans la conscience cérébrale ; d’autres cas où il reste confiné dans la moelle, probablement sous forme de sensations rudimentaires et cellulaires, qui sont l’état fluide de la sensation au lieu de son état solide ; d’autres cas, enfin, où il est presque latent et endormi dans les molécules ou atomes. En étendant l’induction, on admettra quelque chose d’analogue aux rudiments du mental sous tous les phénomènes, même inorganiques, et dès le début de l’évolution. On ne peut, philosophiquement, se figurer les mouvements atomiques que comme enveloppant eux-mêmes des changements dont notre conscience est l’élévation à un ton plus haut, à une clarté supérieure. Le physique est l’ensemble des sensations de résistance actuelles ou possibles qui dérivent de la mutuelle action d’énergies essentiellement internes : il est pour la conscience un mode de sensation très élémentaire, très général, qui se retrouve toujours sous les modes plus élevés, et qui doit correspondre, dans les choses mêmes, à quelque sourd appétit. C’est la même action réciproque des choses qui est saisie tantôt comme expérience mentale, et tantôt, dans une autre partie de ses facteurs, comme mouvement physique ; et il n’y a pas là, nous l’avons mon-