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A. FOUILLÉE.l’évolutionnisme des idées-forces

nécessitent, se déterminent, réciproquement, c’est-à-dire des facteurs du déterminisme universel, des conditions du changement. S’il n’existe d’autres forces que des relations réciproques et régulières, les sentiments et idées sont des forces aussi bien que tout le reste : ce sont même des relations conscientes et, quand il s’agit des plus hautes idées, conscientes de leur universalité. Mais le mot d’activité peut aussi désigner une action efficace, un vrai pouvoir causal, une exertion de puissance ; et alors trois hypothèses sont possibles sur la nature de l’activité ainsi entendue : ou elle est physique, ou elle est psychique, ou elle est un tertium quid, une réalité supra-physique et supra-psychique, par conséquent transcendante.

En premier lieu, nous n’avons absolument aucune expérience d’une activité physique. Là où nous voyons un mouvement, nous inférons la présence d’une activité et d’une force, mais la notion même d’activité vient d’ailleurs, puisque tout mouvement dans l’espace se réduit pour nous à une perception de changements effectués ; le mouvement n’est que le résultat visible de forces en train de se déployer dans des êtres extérieurs à notre conscience. Quant à ce que nous appelons un corps, c’est pour nous un ensemble de perceptions détachées du tout de notre conscience. Notre propre corps, en particulier, comme phénomène perçu, ne peut jamais constituer plus qu’un fragment du contenu total de notre conscience ; on ne peut donc pas affirmer qu’il soit, en tant que corps à nous connu, le véritable et unique soutien de notre contenu conscient tout entier. Les relations dans lesquelles et par lesquelles notre corps se manifeste à notre conscience, comme objet coloré et mouvant, ne constituent d’ailleurs ni sa vraie existence à lui-même, ni sa vraie activité. Les mouvements moléculaires du cerveau, des nerfs et des muscles sont, nous l’avons vu, de simples signes perceptuels, des modes de représentation qui, comme tels, ne produisent réellement ni le corps même ni les actions corporelles. La réalité apparente du corps, c’est-à-dire sa forme et son mouvement, n’est donc point I sa réalité sous-jacente.

Faut-il se figurer la réalité sous-jacente comme un tertium quid qui serait, non seulement extra-physique, mais encore extra-psychique ? — Ce tertium quid, cette réalité extra-consciente que l’on suppose seule douée d’activité, est elle-même une construction dont tous les éléments sont empruntés à notre conscience, y compris l’idée d’activité. Si nous n’avions vraiment aucune expérience de l’agir, agir ne serait plus qu’un mot, un symbole de pures relations entre des éléments inactifs, et l’activité extra-consciente ne serait plus elle-même qu’un fantôme. On dit : — Vous acquérez la notion