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A. FOUILLÉE.l’évolutionnisme des idées-forces

tion de son, par exemple, trie, raffine, amplifie des actions et réactions, des pressions et résistances déjà commencées dans le nerf vibrant, et peut-être dans l’air vibrant, et peut-être dans les molécules de la cloche vibrante qui, tout à l’heure, nous semblait absolument étrangère à toute impression ou à toute tension. Quoi qu’il en soit, les objets de la sensation, une fois à part tout le subjectif, c’est-à-dire tout ce que nous mettons de nous dans la sensation qu’ils causent, ne peuvent se ramener à un simple mouvement d’éléments uniformes et identiques : ils renferment quelque chose de plus et de vraiment interne.

La science tend de nos jours à interpréter toute différence comme purement quantitative, mais la philosophie ne doit pas confondre les conditions d’intelligibilité avec les conditions d’existence. Nous comprenons quand nous avons réduit une multiplicité par nous sentie à une unité conçue ; et la conception unifiante par laquelle nous nous exprimons à nous-mêmes les relations scientifiques du réel est naturellement empruntée aux formes et aspects les plus généraux que nous saisissons dans les phénomènes : or, ce sont les aspects quantitatif et mécanique. Mais le philosophe ne peut pas regarder la forme quantitative et mécanique du réel comme épuisant sa nature et son fond, pas plus que le squelette n’est tout le corps. Les différences que nous découvrons dans notre appréhension du réel, dans notre sensation, doivent correspondre à des variations dans le réel lui-même, et le caractère original des phénomènes de la vie intérieure, leur caractère qualitatif, doit avoir sa source dans le caractère également qualitatif de la réalité totale, dont le mécanisme n’exprime que le côté quantitatif. Les qualités du réel nous sont connues dans et par leurs manifestations phénoménales, et celles-ci, en définitive, sont des manifestations psychiques ; mais ces manifestations de la réalité, qui sont nos perceptions, ont beau être phénoménales et partielles, elles ne nous en donnent pas moins le droit de nous former une conception au moins partielle de la réalité totale. Il faut seulement la faire aussi peu fragmentaire que possible. Or, nous avons vu que le mécanisme est précisément la conception du monde la plus pauvre et la plus fragmentaire. Une conception du monde fondée sur les phénomènes de la vie interne, au contraire, enveloppe des éléments en plus : elle enveloppe des qualités, une activité spontanée, un mode de connexion réciproque autre que celui qui nous est familier dans la sphère du pur mécanisme. La fuite de la douleur, la recherche du plaisir, la douleur même et le plaisir, la sensation, la conscience de la ressemblance et de la différence, le raisonnement et son lien logique, enfin les idées de toutes