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objective du sujet universel. Aussi voyons-nous les disciples de Kant déserter peu à peu leur drapeau primitif, et venir se ranger sous la bannière du positivisme et du matérialisme.

Le vieux problème des rapports du genre et de l’individu est devenu dans la nouvelle philosophie le problème de la conscience personnelle ; il peut se formuler ainsi : « La vérité est-elle accessible à la connaissance individuelle et, si oui, la conscience est-elle elle-même un fait strictement personnel ? » Les philosophes n’ont jamais examiné que la première partie de la question qu’ils ont résolue alternativement dans les deux sens ; mais tous ont cru à la nature personnelle de la conscience. C’est là la grande erreur, la tare fondamentale de la philosophie moderne. La réalité objective et l’universalité des choses et de leurs propriétés sont précisément ce qui ne saurait être jamais atteint par le sentiment individuel ou l’expérience personnelle, mais ce qui suppose et nécessite une conscience générale et collective, une expérience traditionnelle et sociale. « Partout où la psychologie empirique ne s’est pas transformée en psycho-physique, elle est devenue une scholastique morte Au lieu d’expliquer les faits, elle les nie, elle les écarte comme de simples illusions. » « Toute la question se réduit à ceci : à quoi faut-il réellement ajouter foi et croyance ; est-ce à la psychologie expérimentale qui transforme l’univers en ma représentation, ou à l’expérience effective qui réfute à tout instant une telle psychologie ? » En réalité, dans le moindre acte de conscience, dans tout rapport, dans toute relation, nous dépassons les bornes de notre individualité, nous sortons métaphysiquement de nous-mêmes, nous objectivons le présent, nous en faisons à la fois un passé et un futur, nous distinguons nos états de conscience de notre conscience elle-même. Pour la conscience, il n’y a rien de plus sûr et de plus certain que ce qui la dépasse : la réalité des choses et l’universalité de la vérité. Ces thèses sont développées par l’auteur avec beaucoup de subtilité et surtout avec un sentiment très vif des contradictions et des lacunes de la psychologie contemporaine[1].

N. Chichkine. Des phénomènes psycho-physiques au point de vue de la théorie mécanique de l’univers. — L’auteur est partisan d’un mécanisme également éloigné du matérialisme et du spiritualisme vulgaires, et son étude a pour but de montrer, par une série d’exemples dont l’un est tiré de la cosmologie et les autres appartiennent à la psychologie, que la théorie mécanique, devenue depuis longtemps indispensable à la solution des questions de physique, peut considérablement aider la vraie philosophie à se débarrasser du dogmatisme étroit et des préjugés antiscientifiques des doctrines matérialistes et positivistes. L’article contient une exposition claire et une discussion

  1. Le même auteur vient de faire paraître à Moscou un gros volume in-8o, sur la métaphysique des anciens Grecs. Nous en rendrons compte dans un prochain numéro.