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et qu’il a, d’ailleurs, le peu enviable privilège de connaître par une expérience personnelle et répétée.

W. Solowieff. Le beau dans la nature. — L’auteur, qui est un esprit indépendant et original, distingue, pour les mieux réunir, par la suite, dans une vaste formule synthétique, le beau dans la nature de la beauté dans l’art, qui est l’œuvre de l’homme. Son article est consacré à l’examen des attributs essentiels de la première sorte de beauté. C’est l’esthétique de la nature qui, selon lui, doit fournir les fondements nécessaires à la philosophie de l’art. Laissant de côté la genèse du beau dans la nature, question qui appartient aux sciences physiques, il demande à la métaphysique de nous en donner l’ontologie. L’ancienne définition grecque, renouvelée et développée par Schopenhauer, qui fait entrer dans le concept du beau l’idée de pure inutilité, ne le contente pas ; et, à la suite d’analyses très fines, il arrive à définir la beauté comme une « transfiguration de la matière par l’incorporation avec elle d’un principe étranger ou supramatériel ». Le beau est toujours, en définitive, une idée qui a pris corps, une abstraction pure symbolisée ou exprimée par une forme concrète. Quant à l’idée, c’est l’expression la plus haute ou la plus digne de l’existence, et on pourrait la définir : « une liberté, une indépendance des parties constituantes dans la parfaite unité du tout ou de l’ensemble ». Les sciences naturelles, en général, et les travaux de Darwin, en particulier, tendent, selon l’auteur, à confirmer cette théorie, et prouvent surabondamment que la majorité des penseurs et des savants se trompent en affirmant que le sentiment esthétique est un fait purement subjectif, un fait de conscience humaine, et qu’il n’y a pas, dans la nature elle-même, de place pour la beauté, comme il n’y en a pas pour la bonté, la justice ou la vérité. C’est la thèse contraire qu’on devrait soutenir.

A. Kozloff. À propos d’une opinion inattendue de la part d’un représentant des sciences naturelles. — M. Bunge, professeur de physiologie chimique à l’université de Bâle, s’étant prononcé, dans la leçon d’ouverture de son Cours (publié en 1887 sous le titre de Lehrbuch der phys. u pathol. Chemie) en faveur du vitalisme contre le mécanisme, et ayant affirmé l’existence d’un « sens intime » qui nous permettrait d’observer la nature indépendamment des sens externes, l’auteur en prend occasion pour défendre le principe téléologique dans l’explication des phénomènes. La vraie méthode, dit-il, consiste à aller du connu, du monde interne, à l’inconnu, au monde extérieur ; elle est opposée au mécanisme qui est toujours matérialiste de sa nature. La thèse du physiologiste Jean Müller : Psychologus nemo, nisi physiologus, doit être complétée par la proposition contraire : Physiologus nemo, nisi psychologus. La philosophie à la mode aujourd’hui, le positivisme, n’est qu’un mécanisme qui s’est affranchi des exigences de la loi de la raison suffisante c’est-à-dire de la loi suprême de notre esprit et